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La démarche de création/enseignement

Depuis que j’ai commencé mes études universitaires en formation à l’enseignement des arts, à la suite d’une réorientation de carrière, je ressens une pression à propos de ma démarche de création artistique personnelle. En raison de cette pression, qui se fait lourdement ressentir, j’ai fréquemment remis mon nouveau choix de carrière en question, me demandant si j’étais à la bonne place. La familiarisation de la démarche de création du Programme de formation des élèves (PFEQ) m’a poussé à me questionner davantage afin de comprendre en quoi consiste concrètement la démarche, cette fois-ci pour l’enseignante en arts plastiques. Après avoir présenté un compte rendu de ma lecture sur la démarche de création conjuguée (Gagné, 2018), enrichi par d’autres articles qui ont nourri mes réflexions, je résumerai le contenu d’une entrevue menée auprès d’une enseignante en arts plastiques au secondaire. En dernier lieu, j’aborderai mes questionnements concernant des éléments importants qui n’ont pas encore trouvé réponse lors de mes lectures et recherches, et qui, selon moi, sont étroitement reliés à la démarche de création de la spécialiste en art.

La démarche de création conjuguée
Me questionnant énormément sur ma propre démarche de création, c’est lors de la lecture de l’article « Le professeur rêvé » d’Eisner (1989) que j’ai réellement commencé à me poser les bonnes questions. Eisner explique que :

Si l’objectif d’un artiste est de créer une œuvre d’art, l’objectif du professeur d’art est de créer chez les jeunes le désir et la capacité d’expérimenter, de créer et de comprendre l’art. Par le fait même, on ne peut pas juger de la qualité d’un professeur d’art en observant sa production […], mais plutôt en regardant ce que ses élèves ont fait. (p. 6-7)

Cette phrase clé d’Eisner m’a ouvert les yeux sur les vraies raisons m’ayant poussée à choisir la profession d’enseignante en arts plastiques. Mes lectures m’ont ensuite dirigée vers la thèse de doctorat de Maryse Gagné (2018) intitulée Un modèle d’enseignement des arts visuels et médiatiques compris comme un travail de création. Sa recherche, comme le mentionne son titre, propose un modèle d’enseignement des arts visuels et médiatiques vécu comme un travail de création. C’est surtout la démarche de création conjuguée, le résultat concret de son analyse du terrain de sa recherche, qui a retenu mon attention. Gagné pense que la démarche de création d’un enseignant ressemble à celle d’un artiste professionnel, mais n’a pas les mêmes contraintes. Effectivement, l’enseignant, contrairement à l’artiste professionnel, doit constamment garder ses élèves au centre de ses préoccupations et au cœur de sa démarche. De même, il doit prendre en considération le PFEQ, le projet éducatif en milieu scolaire, les horaires peu flexibles, etc. Gagné considère également que la démarche de création de l’enseignant est en relation étroite avec la démarche artistique de ses élèves et que ces deux démarches interagissent. C’est pourquoi les élèves sont toujours présents dans l’esprit de l’enseignant lors de l’élaboration de ses propositions (Gagné, 2018). Il tient à ce que chacun d’eux expérimente, à son tour, sa propre démarche de création. C’est ce qui, selon cette auteure, caractérise essentiellement la démarche de création conjuguée.

Cette démarche est comprise à travers quatre phases inspirées des modèles d’Anzieu, de Gosselin, de Mace et de Ward ainsi que de Valéry. Elle est représentée par le schéma du « Double diamant » de Design Council (2005) (voir figure 1).

Figure 1. Interpénétration des trois principes définissant un enseignement des arts visuels et médiatiques compris comme un travail de création 

Pour une étudiante en enseignement des arts, ce modèle est relativement simple à comprendre. Bien que la nomenclature des phases utilisées soit différente, il ressemble beaucoup au modèle de Gosselin (2006). Le modèle du PFEQ inspiré de Gosselin propose une démarche de création comportant « un début (phase d’ouverture), un développement (phase d’action productive) et un aboutissement (phase de séparation) » (Gosselin, 2006, p. 18). De plus, parce que la démarche est dynamique, elle est animée par trois mouvements : celui de l’inspiration, celui de l’élaboration et celui de la distanciation (Gosselin, 2006). La démarche de création conjuguée s’inspire aussi de trois grandes étapes, à propos desquelles la plupart des auteurs cités plus haut sont d’accord, mais elle comprend quant à elle quatre phases et se passe en deux temps. Le premier temps consiste à accueillir et à définir alors que le deuxième consiste à développer et finalement à redonner. Le premier temps et les deux premières phases sont vécus par l’enseignant seulement. La démarche de l’élève n’arrive donc qu’en deuxième temps. Lors de sa troisième phase, indiquée en rouge dans le schéma du modèle, l’enseignant doit stimuler l’élève dans sa recherche d’idées, dans son processus d’inspiration et dans sa phase un et deux de sa démarche.  La dernière phase de l’enseignant et celle de l’élève sont vécues en même temps. En revanche, l’enseignant poursuit sa réflexion : il pose un regard rétrospectif sur l’expérience vécue (Gagné, 2018). Pour la chercheure, l’enseignant est donc lui aussi un artiste. La chercheure semble donc orienter ses réflexions dans un sens similaire à celles d’Eisner (1989) et à celles de Théberge (1989), expliquée dans la section suivante.

Théberge et l’artiste-enseignant
Dans son article publié en 1989, L’artiste-enseignant : Un concept établi… a-t-il encore sa place ?, André Théberge remet en doute le concept de l’artiste-enseignant tel que conçu dans le Rapport Rioux (1969). Vingt ans après le dépôt du rapport, Théberge remet en question le fait que l’enseignant en art soit avant tout un artiste professionnel, mais dont le rôle d’éducateur fait en sorte qu’il « […] doit être capable de développer les qualités créatrices en puissance chez l’enfant » (Article 659, Rapport Rioux, cité dans Théberge, 1989). Théberge, qui semble partager un autre point de vue, se demande si un enseignant en arts plastiques, avec toutes les contraintes que la profession demande, peut poursuivre une carrière de créateur artistique professionnel, et ce, tout en exécutant pleinement son rôle d’enseignant. Peut-il ainsi remplir de façon efficace les exigences imposées par le ministère de l’Éducation ? En tant que spécialiste de la formation des enseignants en arts plastiques, Théberge (1989) voit davantage les enseignants, non pas comme des artistes spécialisés dans une discipline d’expression en particulier, mais plutôt comme :

UN ARTISTE EN ENSEIGNEMENT DES ARTS PLASTIQUES, c’est-à-dire : comme quelqu’un dont la pratique pédagogique consiste dans un ART, avec tout ce que cela implique de connaissances, de sensibilité réceptive, d’imagination créatrice et d’improvisation intuitive. (p. 117)

Je partage l’avis que Théberge à sur ce sujet, surtout après avoir pris conscience des études de Suzanne Lemerise mentionnées dans son article. De ce fait, 11 ans après le Rapport Rioux, les études de Lemerise révèlent que seulement 12,5 % des enseignants ayant une production artistique personnelle (la moitié de l’ensemble) exposaient leurs œuvres et peu d’entre eux enseignaient de façon régulière. En 1982, une autre étude révèle que 30 % à 35 % des enseignants n’avaient ni diplôme en arts plastiques ni pratique professionnelle (Théberge, 1989). Il me semble peu réaliste d’être enseignant et d’avoir une tâche à 100 % en enseignement, c’est souvent le cas dans les écoles aujourd’hui, tout en étant un artiste avec une pratique professionnelle investie et reconnue dans le milieu de l’art. Pour la plupart des enseignants, surtout pour ceux qui souhaitent réellement être engagés dans leur propre démarche artistique, ainsi qu’auprès de leurs élèves et de leurs démarches, il sera de plus en plus difficile de pratiquer ces deux professions simultanément. Comment est-il possible de proposer des projets pédagogiques riches pour les élèves, être à la hauteur des attentes du PFEQ et du ministère de l’Éducation, tout en ayant deux professions et une vie à l’extérieur du monde des arts ?

Références complémentaires 
D’autres auteurs ont aussi publié des articles qui ont nourri mes réflexions. L’article de Mendonça et Savoie (2017) démontre qu’il existe un lien étroit entre les sciences et les arts. Les auteurs citent le programme éducatif GénieArts (2010) géré par le ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick depuis 2005 :

[…] des preuves s’accumulent et montrent que les longues traditions des connaissances disciplinaires et des pratiques associées aux arts produisent des manières efficaces qui suscitent l’engagement des étudiants à l’apprentissage de la matière au moyen du processus créatif. (GénieArts, 2010, p. 7 cité par Mendonça et Savoie, 2017)

Les auteurs parlent également de la Finlande où l’enseignement des arts est considéré comme étant crucial au sein des écoles. La Finlande est également le pays où le taux de décrochage scolaire est le plus bas au monde. Même si leur modèle scolaire n’est pas comparable à celui du Québec, leur système scolaire, où l’enseignement des arts est très valorisé, a fait ses preuves (Mendonça et Savoie, 2017). Les auteurs citent également le document Policy Analyses Reports of Ministry of Education and Culture (2010), du ministère de l’Éducation finlandais, indiquant que ce dernier, non seulement réserve une place importante aux arts, mais de surcroît recommande  : « […] davantage de temps pour les arts dans le curriculum et une augmentation du corps professoral spécialisé pour enseigner la discipline » (p. 2).

La lecture de cet article vient renforcer ma pensée concernant le processus créatif qui renvoie à la progression de chacun dans sa capacité d’avoir de nouvelles idées. Il me semble que ce processus ne peut qu’être optimisé s’il est jumelé avec un enseignement clair et efficace de la démarche de création artistique auprès des élèves. Cette démarche consiste en une méthode de recherche, de production et de réflexion qui facilite et nourrit l’émergence de la créativité auprès des enfants, alors que leur imaginaire est très fertile. Le processus créatif peut ainsi servir à bonifier les autres disciplines scolaires qui utilisent également une démarche qui appelle à la créativité telle la démarche scientifique. Les connaissances transférées d’une discipline à l’autre sont d’autant plus en relation avec le PFEQ qui promeut le développement des compétences transversales communes à chacune des disciplines (MELS, 2006). À mon avis, les arts font partie des disciplines où les savoirs se révèlent être « passe-partout », puisque les projets proposés en arts plastiques sont fréquemment jumelés avec d’autres disciplines comme les mathématiques, les sciences, le français, etc., tout en étant applicables dans la vie quotidienne. Dans sa prochaine réorganisation éducative, le ministère de l’Éducation du Québec ne devrait-il pas prendre davantage appui sur les études qui confirment cette réalité ?

Entrevue avec une enseignante en arts plastiques
Mes recherches m’ont également menée à réaliser une entrevue auprès de Karine Poirier, enseignante en arts plastiques auprès d’élèves du secondaire depuis 2003. Celle-ci avait suscité mon intérêt lorsque je regardais les réalisations de ses élèves sur le site Le Centre d’Apprentissage Parallèle de Montréal (LE CAP) situé sur le Plateau-Mont-Royal. Le travail de ses élèves, intitulé Nous M’aime – 1001 autoportraits au temps des masques, se démarquait parmi les autres projets exposés. Lors de l’entrevue, madame Poirier a confirmé mon impression de départ voulant que, dans ce projet, les élèves aient été véritablement engagés dans une démarche de création. En effet, pour elle, la démarche artistique et le carnet de traces sont très importants. De plus, depuis qu’elle privilégie la qualité des projets qu’elle propose, plutôt que la quantité, le résultat est beaucoup plus avantageux. De plus, elle précise que la démarche de création d’un enseignant en art est aussi très importante. Elle m’a également mentionné : « Mes élèves deviennent mon médium d’expression » (Poirier, entrevue informelle, 10 mars 2021). Même si elle n’a qu’une seule profession, celle d’enseignante en arts plastiques, elle se considère elle-même comme une artiste pour cette raison. Reposant sur la même approche, le projet Le vrai du faux que Karine Poirier a soumis pour participer aux Prix de reconnaissance ESSOR, a été lauréat du prix Isabelle Aubin 2018-2019. Ce dernier est : « […] attribué pour un projet audacieux et de qualité qui se distingue par la nature de l’engagement de pédagogues, de partenaires et de jeunes » (Gouvernement du Québec, 2021). Ce projet d’exposition avait été réalisé en collaboration avec l’organisme Art Souterrain, visant à promouvoir l’art contemporain auprès d’un large public, l’artiste Emmanuel Laflamme et le centre culturel de la Cité de Dorval. Il témoigne de l’engagement de Karine Poirier auprès de la démarche de création de ses élèves. Le témoignage d’une élève, dans la capsule vidéo présentant le projet, le confirme : « J’ai appris le processus d’un vrai artiste. J’ai eu le sentiment d’être une vraie artiste. J’étais fière de voir des personnes autour de mon œuvre, qui me disaient que l’œuvre était magnifique et qu’ils comprenaient le message qu’on voulait transmettre » “Le vrai du faux” (2019)

Conclusion
Malgré les doutes que j’ai eus au début de mes études, je suis encore convaincue que cette profession m’apportera la créativité qu’il me manquait dans mes activités professionnelles antérieures. La thèse de Gagné (2018) est venue renforcer mes croyances sur ce plan. Par ses recherches, la chercheure souhaitait comprendre sa pratique et ainsi formuler de nouveaux modes de pratique en enseignement des arts. Je suis d’accord avec Gagné; la démarche de création conjuguée qu’elle propose pourrait servir à éclairer d’autres futurs enseignants qui, comme moi, essaient de saisir plus concrètement le rôle de leur démarche de création artistique dans leur enseignement. Ses recherches proposent des pistes qui permettent ainsi de comprendre comment exploiter cette démarche afin qu’elle enrichisse celle des élèves.

Mes lectures ont nourri ma réflexion et confirment qu’il est nécessaire pour l’enseignant en art de maîtriser sa propre démarche et celle destinée à ses élèves afin de la transmettre de façon efficace. Je sais maintenant que ma pratique artistique consistera à créer des propositions de créations qui seront destinées à mes élèves et qu’elle se concrétisera lorsque je serai dans l’environnement scolaire auprès d’eux. Plusieurs questions demeurent toutefois sans réponse. Pourquoi, 52 ans après le Rapport Rioux, des doutes persistent-ils concernant l’importance des arts en milieu scolaire ? Pourquoi y a-t-il encore, dans nos écoles, des enseignants sans formation artistique qui enseignent les arts ? En effet, comment pourrait-on développer le processus créatif en puissance chez l’enfant sans l’intervention d’éducateurs spécialisés en art ? Ultimement, je ne comprends toujours pas comment l’on peut imaginer qu’un enfant puisse expérimenter un processus de création puissant, puis l’assimiler de façon efficace à la fin de son secondaire, si ce processus n’est pas enseigné par des spécialistes dès son plus jeune âge. Dans ce contexte, quelles solutions faut-il envisager ?

Références

CAP. (s. d.). Actualités du CAP. http://ateliersducap.org/fr/actualites/nous-m-aime-1001-autoportraits-au-temps-des-masques/
Design Council. (2005). Eleven fessons : Managing design in efeven global companies [rapport de recherche]. https://www.designcouncil.org.uk/sites/default/files/asset/document/ElevenLessons_Design_Council%20%282%29.pdf
Eisner, E. (1989). Le professeur rêvé. Vision, 43(3), 6‑7. http://revuevision.ca/wp-content/uploads/2018/09/Vision_No-43.pdf
Gagné, M. (2018). Un modèle d’enseignement des arts visuels et médiatiques compris comme un travail de création [thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal, Canada]. Archipel. http://archipel.uqam.ca/11356/
GénieArts. (2010). Profil GénieArts NB. http://geniearts.nbed.nb.ca/index1_02_01.html
Gosselin, P. (2006). Des aptitudes sollicitées et développées à différents moments de la démarche de création. Vie pédagogique, 141, 17‑20. https://collections.banq.qc.ca/ark:/
52327/bs22579
Gouvernement du Québec. (2021). Lauréats et lauréates 2018-2019. https://www.quebec.ca/gouv/reconnaissance-prix/education/prix-de-reconnaissance-essor/laureats-laureates-2018-2019/
Mendonça, P. et Savoie, A. (2017, 30 mai). Plaidoyer pour des arts à l’école. Vision. http://revuevision.ca/plaidoyer-pour-des-arts-a-lecole/
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). (2006). Programme de formation de l’école québécoise : enseignement secondaire, premier cycle. Gouvernement du Québec. http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/education/
jeunes/pfeq/PFEQ_presentation-premier-cycle-secondaire.pdf
Commission d’enquête sur l’enseignement des arts au Québec (1969); Rioux, Marcel et al. Rapport de la Commission d’enquête sur l’enseignement des arts au Québec. Québec: Éditeur officiel du Québec. https://rapport-rioux.uqam.ca/le-rapport-rioux/
Théberge, A. (1989). L’artiste-enseignant : un concept établi… A-t-il encore sa place ? Revue canadienne d’éducation artistique, 16(2), 110‑118.
Le Vrai du Faux (2019). https://vimeo.com/336361394

 

SUZANNE BLOUIN (1938 – 2020)

Femme aux multiples chapeaux, dotée d’une vitalité étonnante, Suzanne Blouin s’est éteinte à 81 ans le 16 septembre 2020. Cet article a pour but de lui rendre hommage : il traite des différents projets, rôles et enjeux qui ont marqué sa riche et longue carrière. De ses débuts à l’École des Beaux-Arts de Québec (années 1950) à presque la toute fin de sa carrière, où elle supervisait encore des stages à l’UQAM, Suzanne Blouin a su marquer positivement les personnes qu’elle a côtoyées et les milieux et institutions dans lesquels elle a œuvré.

Outre le présent article en version abrégée, les lectrices et lecteurs de Vision pourront prendre connaissance de sa contribution aux domaines de l’art et de l’enseignement des arts au Québec de manière plus approfondie en cliquant ici (41.8 Mo). Cette version intégrale de l’article (PDF) donne accès à plusieurs images liées aux projets et engagements qui ont jalonné son parcours professionnel.

Au cours de sa carrière échelonnée sur près de soixante ans, Suzanne Blouin a été enseignante spécialiste en arts plastiques; conseillère pédagogique en arts plastiques à la Commission scolaire de Montréal (CSDM) notamment; agente de développement pédagogique au ministère de l’Éducation de 1973 à 1975; professeure substitut à l’École des arts visuels et médiatiques (EAVM) durant l’année 2003-2004. Suzanne Blouin est devenue chargée de cours à l’EAVM à partir de 1985 où elle a supervisé des stages et donné des cours de didactique des arts plastiques.

Déjà en 1965 Suzanne Blouin enseignait les arts plastiques dans divers milieux scolaires, et ce, aux niveaux primaire et secondaire. Ses débuts en enseignement, ses expériences les plus marquantes en tant que spécialiste en art sont abordées dans le premier volet de l’article en version intégrale. Ce volet traite aussi de son rôle d’enseignante-chercheure et de sa recherche à la maîtrise où elle s’était penchée sur le potentiel du dessin d’observation comme modèle d’intervention auprès d’élèves du primaire. Mentionnons que son mémoire se positionne au-delà du modernisme et d’une vision puriste de l’image authentique axée sur la production d’une œuvre. Suzanne Blouin se disait d’ailleurs « plus souvent intéressée par le processus de création des individus, qu’ils soient artistes professionnels ou élèves du primaire ou du secondaire, que par le résultat de leurs interventions », car selon elle, « l’art […] est essentiellement vivant » (Blouin, Vision, p. 8). Passionnée par la formation pratique des futurs spécialistes en arts plastiques, elle a accompagné de nombreux étudiants lors de leur stage au secondaire. Son expérience d’enseignement à l’université témoigne de son grand sens de l’engagement et de son amour de l’art : « vaste territoire à investir ». C’est en abordant cette expérience professionnelle à l’université que s’achève la première section de l’article.

Le second volet, quant à lui, est consacré à la pratique artistique de Suzanne Blouin. Celle-ci a été nourrie par ses nombreux voyages, ses intérêts de recherche et par les moments forts ayant ponctué sa trajectoire professionnelle dans le domaine de l’enseignement. Les objets qu’elle mettait en scène donnaient accès à des univers poétiques et singuliers; dégageaient une atmosphère parfois insolite, intime ou lugubre; pouvaient évoquer des univers tantôt sérieux, tantôt fantaisistes… Les thèmes, enjeux et moyens d’expression qu’elle privilégiait sont abordés dans cette seconde partie de l’article, et ce, à travers trois événements artistiques. Il s’agit d’abord d’un travail installatif, résultat de sa fructueuse collaboration avec l’artiste Eugenia Reznik lors de l’exposition Mi-lieu tenue à l’Écomusée du fier monde en 2018. Le deuxième événement abordé est celui de la Biennale Kilomètr’art organisée en 2001 par le centre d’artistes Praxis. Enfin, c’est sur une réflexion à propos de l’exposition Les unes et les autres, tenue en 2009 et en 2010, que se termine ce dernier volet. L’ensemble de l’article réunissant les pratiques pédagogique et artistique de Suzanne Blouin se termine en faisant ressortir certains points forts de sa réflexion, de sa carrière et de sa contribution unique aux champs de l’art et de l’enseignement des arts au Québec.

ARTICLE À VENIR : SUZANNE BLOUIN ET LA SUPERVISION DE STAGE

Nous avons vu précédemment qu’elle s’est beaucoup investie dans la formation pratique des futurs spécialistes en arts plastiques. On peut même affirmer qu’en tant que superviseure de stage, elle a été un véritable modèle. L’initiative des professeures Mona Trudel et Laurence Sylvestre de l’EAVM de l’UQAM est donc fort pertinente puisqu’elles ont pondu un article à partir des propos de Suzanne Blouin recueillis lors d’un entretien avec elle. Cet article focalise sur son engagement et sa contribution à la formation pratique : il permet d’approfondir ce volet important de sa carrière. Ce texte prenant appui sur la transcription de l’entretien sera publié sous peu dans Vision : nous en aviserons les lecteurs de la revue et membres de l’AQÉSAP.