Au cœur d’un récit

L’enseignant spécialiste en arts plastiques

par Suzanne Lemerise

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Suzanne Lemerise

Professeure retraitée, École des arts visuels et médiatiques, UQAM

Biographie

Autres publications de cet auteur

Au fil de mes années de recherches historiques, j’ai tenté de saisir le rôle et le statut du spécialiste en arts plastiques enseignant dans les écoles québécoises. Dans ce texte, j’aimerais en présenter une synthèse plus libre, agrémentée de commentaires personnels, comme cette affirmation préliminaire: l’enseignant en exercice dans les classes est au cœur de la démarche éducative auprès des jeunes. Il est le pilier sans lequel le milieu de l’enseignement des arts n’existerait pas. Je me concentrerai d’abord sur des considérations historiques, mais à mesure que nous nous rapprocherons de la situation actuelle, j’ouvrirai délibérément la porte aux nouveaux chercheurs, jeunes et moins jeunes, en identifiant des axes importants à développer pour mieux saisir la dynamique actuelle du milieu de l’enseignement des arts plastiques.

Avant 1950, la loi du silence

En quelques paragraphes, je tracerai brièvement le cheminement historique du statut de spécialiste. Quand et comment a-t-il trouvé place dans le grand corps professoral de l’école publique ? Au XIXe siècle, les dessins industriel et ornemental sont décrétés matière obligatoire. Au début du XXe siècle, les dessins d’observation et décoratif s’ajoutent aux programmes dont la finalité est d’être utile pour la société. Qui enseigne ? Dans les classes du primaire, les titulaires étaient responsables de l’application des programmes de dessin. Au niveau secondaire, dès la fin du XIXe siècle, quelques commissions scolaires situées dans des zones de développement industriel engageaient, souvent à mi-temps, des artistes actifs dans le milieu, ces derniers s’assurant ainsi un gagne-pain qui leur permettait de poursuivre leur carrière. Avec la fondation des Écoles des beaux-arts de Montréal et de Québec en 1922, ces mêmes commissions scolaires furent tenues d’embaucher des artistes diplômés de ces écoles. Le diplôme était remis à l’enseignant après cinq ans d’études et la réussite d’un examen oral et pratique devant un jury composé de plusieurs professeurs. Mais ce diplôme n’était pas reconnu officiellement, car non décerné par les écoles normales (sous contrôle du clergé). Dans le jargon administratif, ces enseignants étaient appelés les « professeurs spéciaux » ce qui impliquait un renouvèlement annuel de leur contrat. À la Commission des écoles catholiques de Montréal (CECM), aujourd’hui Commission scolaire de Montréal (CSDM), à partir de 1928, ces enseignants étaient sous la responsabilité d’un directeur de l’enseignement du dessin qui approuvait leur programme et notait la qualité de la formation dispensée lors de sa visite d’une exposition annuelle (Lemerise et Nadeau, 2010). La majorité des enseignants était des hommes jusque dans les années cinquante, car l’ouverture d’écoles de niveau secondaire pour les filles a été plus lente.

On trouve très peu de prises de parole de la part de ces spécialistes avant 1950; disons qu’à l’époque, l’enseignant, généraliste ou spécialiste obéissait aux autorités et ne faisait pas de vagues. Un enseignant spécialiste a quand même fait la manchette des journaux et il me parait important d’en parler. Il s’agit de l’artiste Ludger Larose (1868-1915) qui enseignait le dessin à l’Académie du Plateau de la CECM, école renommée pour la qualité de sa formation. Dès 1897, il prononça quelques conférences publiées dans les revues pédagogiques de l’époque où il fait la promotion du dessin d’après nature, alors que la tendance était de faire copier des modèles graphiques au lieu d’observer des objets. En 1910, un bruit court qu’un des professeures spéciaux de la CECM fait partie d’une loge maçonnique, branche affiliée au Grand Orient de Paris, « branche de la maçonnerie la plus acharnée à la destruction du catholicisme sur terre » (Magnan, 1910). Les francs-maçons militaient effectivement pour une école laïque, l’instruction obligatoire et un système hospitalier public. Le livre de Roger Le Moine intitulé Deux loges montréalaises du Grand Orient de France (1991) trace les péripéties de cette organisation honnie du clergé canadien-français. Le Moine y relate aussi l’incident dont fut victime Ludger Larose alors qu’il était le secrétaire de la loge maçonnique de Montréal.

Un soir, alors qu’il revenait d’une réunion muni des cotisations des membres du groupe, il est attaqué et volé en pleine rue par quelques étudiants du Collège Sainte-Marie qui voulaient venger l’Église. Démasqué, Ludger Larose perd son poste immédiatement et sera engagé par la suite par la Commission scolaire protestante de Montréal (Le Moine, 1991, p. 52). À cette époque, tout membre de la loge dénoncé publiquement perdait son emploi. L’Église menait une bataille féroce contre cette organisation. Il ne faut pas oublier que, jusqu’en 1960, l’école est totalement sous le contrôle du clergé. Il n’y a pas que Borduas qui ait été congédié pour ses idées.

Quand les choses ont-elles changé ? En 1948, les cinq enseignantes féminines, spécialistes de l’enseignement du dessin au niveau secondaire, s’opposèrent ouvertement au directeur de dessin de l’époque lors d’une réunion d’information sur le nouveau programme qui reconduisait les valeurs traditionnelles du dessin mimétique et pratique. Comment ont-elles osé poser ce geste sans l’appui des vingt-trois professeurs masculins ? On ne peut y répondre qu’en élargissant notre propos au contexte de l’époque.

Contexte des années quarante et cinquante

Durant les années trente et quarante, les artistes modernes anglophones et francophones découvrirent la richesse du dessin spontané de l’enfant (Trépanier, 1998). Ils ne se génèrent pas pour attaquer les programmes des écoles, jugés rétrogrades (Gagnon, 1945). Enthousiasmés et soutenus par les critiques d’art, les artistes ouvrent des cours du samedi. L’Art Association of Montreal, devenue par la suite le Musée des beaux-arts de Montréal, suit le mouvement en accueillant d’importantes expositions de dessins des enfants d’Angleterre, du Canada et du Québec. Ann Savage, Arthur Lismer et Irène Senécal figurent parmi les ardents défenseurs d’un nouvel enseignement des arts (Lemerise et Sherman, 2006). Dès 1942, Senécal donne, le samedi, des cours de dessin d’expression, d’abord à la bibliothèque des enfants d’Hochelaga ensuite à la bibliothèque municipale de Montréal. Hors des écoles, elle acquiert ainsi une expérience pédagogique et une certaine réputation auprès des nombreuses personnes qui travaillent avec ardeur pour un changement culturel, éducatif et social dans un Québec nationaliste et clérical.

Au tout début des années 1950, Senécal est invitée par le directeur des études de la Commission scolaire de Lachine à expérimenter sa nouvelle méthode par l’engagement au niveau primaire de quelques spécialistes qui n’étaient pas tenus d’enseigner le programme de dessin de 1948 tant décrié. À un degré moindre, Senécal s’engage dans cette voie à la CECM, fortement appuyée par un autre directeur des études et un nouveau directeur de l’enseignement du dessin en la personne de Laurent Morin. À compter de ce moment, Senécal fait école en promouvant une pédagogie centrée sur les intérêts et les capacités de l’élève et une didactique puisant aux acquis de l’art moderne. Le livre de Lowenfeld, Creative and Mental Growth (1952) décrivant les stades du développement graphique de l’enfant devient la référence incontournable qui occupe une place hégémonique dans les programmes comme si rien d’autre n’existait (Lemerise, 2000).

 Les enseignants spécialistes s’organisent

Parallèlement à ces faits d’armes individuelsaissent les associations internationales, nationales et provinciales d’enseignement des arts durant les années cinquante (réf. : liste des associations). Les associations ont joué et jouent encore un double rôle essentiel : intervenir auprès des organismes et des responsables gouvernementaux pour promouvoir un nouvel enseignement des arts plastiques et donner la parole aux enseignants dans les congrès annuels et les revues professionnelles. Il ne faut pas oublier de mentionner le rôle déterminant de la Société québécoise d’éducation par l’art (SQEA), au début des années soixante, lorsqu’elle mandate I. Senécal et L. Cimon pour déposer un mémoire à la Commission Parent, chargée de la réforme complète du système d’éducation du Québec. Cette commission donne suite aux recommandations de la SQEA en reconnaissant la valeur formatrice d’un nouvel enseignement des arts centré sur l’élève. En 1965, le nouveau ministère de l’Éducation, à la suite des recommandations de la commission Parent, amorce la grande réforme de l’éducation : il abolit le régime élitiste des collèges classiques, institue les cégeps facilitant ainsi le passage entre l’école secondaire et l’université et de ce fait démocratise l’enseignement public en permettant l’accès à l’université des diplômés des institutions publiques. En 1968, les programmes d’arts plastiques au primaire et au secondaire sont institutionnalisés avec une innovation majeure, soit un programme d’arts plastiques/moyens de communication de masse comme volet optionnel en secondaire 3.

Le rôle de Senécal et de ses collaborateurs ne s’arrête pas là. En effet, dès 1955, Senécal crée un cours non officiel de pédagogie artistique à l’ÉBAM. Ce cours se développe de telle sorte qu’à compter de 1963, un programme menant à l’obtention d’un brevet spécialisé d’enseignement des arts plastiques est offert à l’École des beaux-arts de Montréal.

Un étudiant, détenteur de ce diplôme, est désormais un enseignant comme les autres et son statut de spécialiste est reconnu par le ministère de la Jeunesse (ancien nom du ministère de l’Éducation, fondé en 1965). La fondation en 1968 de l’Association des professeurs d’arts plastiques du Québec (APAPQ), aujourd’hui l’Association québécoise des éducatrices et éducateurs spécialisés en arts plastiques (AQESAP), est accompagnée par la publication de la revue Vision, lieu privilégié pour une prise de parole des enseignants spécialistes.

 Les écrits et publications des enseignants en exercice

La revue Vision, principal véhicule des points de vue des enseignants en exercice, demeure pour moi le plus beau fleuron de la dynamique interne de notre milieu professionnel. En près de cinquante ans d’histoire (1968-2015), on ne compte plus les enseignants qui s’y sont manifestés. La simple consultation des tables des matières donne un éventail fort diversifié des sujets traités. La participation des enseignants à des publications spécialisées est également importante et je me permets de mentionner les pionniers que furent Christian Chambon et Jacob Lahmi qui ont publié deux ouvrages faisant état de leur enseignement au niveau secondaire (Chambon et Lahmi, 1977, 1982). Claude Choquette, professeur à l’école Montcalm de Sherbrooke, publie un magnifique livre des réalisations photographiques de ses élèves (Choquette, 1977). Après la publication par Monique Brière des manuels L’image de l’art en 1983, on assiste à un véritable essor de publications spécialisées, les unes d’ordre pédagogique, les autres orientées sur la recherche. Je pourrais presque parler d’un âge d’or. Et je confie aux enseignants/chercheurs le mandat de retracer et de commenter les publications des années 1960 à aujourd’hui. L’apport des enseignants sur le terrain à ces publications en constitue souvent une partie essentielle. Je pense ici à deux livres de Moniques Richard, Les arts plastiques à l’école (1998) et Culture populaire et enseignement des arts (2005). Les rapports étroits entre théories et pratiques m’apparaissent une caractéristique importante de la recherche universitaire québécoise et ce, grâce à la collaboration des enseignants actifs dans les écoles.

L’image publique de l’enseignement des arts plastiques

J’ai évoqué précédemment le rôle très important du milieu artistique dans la valorisation du dessin spontané des enfants grâce aux nombreuses expositions qui se sont mérité un accueil élogieux dans les journaux de l’époque. Il en est de même de la grande tradition des expositions publiques organisées par des écoles et plusieurs commissions scolaires. Pour justifier une légitimité académique souvent menacée, les responsables de l’enseignement des arts plastiques ont pris soin d’inviter le public à reconnaitre la valeur artistique et éducative de cette discipline. À la CECM, dès 1958, on présente une grande exposition démontrant la richesse des réalisations des élèves conviés à un nouvel enseignement des arts plastiques centré sur l’expression personnelle et l’exploration de nouveaux matériaux. La réception a été des plus positives de la part du critique d’art Rodolphe de Repentigny qui a écrit un texte intitulé « Le matin d’une vie plus riche », titre qui annonce en quelques mots les grands changements à venir (de Repentigny, 1958).

On doit mentionner la ténacité de Monique Brière et de Réal Dupont qui ont cru dans la capacité des enseignants à se mobiliser afin de poursuivre cette tradition des expositions publiques. Deux étapes peuvent être distinguées : plusieurs expositions ont eu lieu dans des endroits publics ouverts à tous, comme la place Desjardins, alors que d’autres ont été tenues dans les grands musées, dont le Musée des beaux-arts de Montréal et le Musée d’art contemporain. Les expositions ARRIMAGE qui se déroulent depuis plus de quinze ans au Musée d‘art contemporain témoignent des liens entre la pratique artistique des jeunes et la connaissance de l’art actuel.

Il ne suffit pas du tout de s’en tenir à ces constats, ce serait faire injure à l’incroyable dynamisme de plusieurs enseignants qui, en petit réseau ou individuellement, organisent des expositions qui font le point sur des enjeux très diversifiés. Je me permets de raconter qu’invitée à certaines manifestations, j’ai vécu des moments de très grand enthousiasme et même de ravissement; quand je visite une exposition des travaux d’élèves, c’est comme si un cadeau m’était offert. La recherche doctorale de Laurence Sylvestre (2008) est la première au Québec à aborder ce sujet. Cette étude exploratoire examine les pratiques d’enseignants spécialisés en arts plastiques. Elle concerne le travail de l’exposition d’art en milieu scolaire et vise à comprendre comment les enseignants procèdent pour y impliquer l’élève. Ce qui m’amène à souhaiter la poursuite des recherches sur cet aspect fondamental de notre discipline.

Le rôle des universités et des études supérieures.

Il faut absolument mentionner le rôle actif de Leah Sherman et de l’université Sir George-William (aujourd’hui, l’Université Concordia) qui, dès 1965-1966, permet l’accès à un programme de maitrise en art education aux titulaires d’un diplôme des beaux-arts, option pédagogie artistique, diplôme équivalent à un baccalauréat spécialisé. À cette époque, les universités francophones exigeaient un baccalauréat es-arts décerné par les collèges classiques pour être admis dans la majorité des programmes. En 1969, les écoles d’art de Montréal et de Québec sont intégrées aux universités et les étudiants inscrits dans les programmes d’enseignement des arts sont désormais titulaires d’un diplôme universitaire. Mais l’avancée de la recherche ne s’arrête pas là. En 1977, l’UQAM offre à son tour un programme de maitrise et l’université Concordia ouvre un programme de doctorat. Un programme équivalent sera offert par l’UQAM en 1997.

Si les associations et les publications des membres jouent un rôle important dans notre domaine, on peut en dire autant des recherches universitaires faites par les enseignants. La légitimité de la discipline par rapport aux autres secteurs de recherche est alors assurée. Ensuite, les apports très variés des différents projets ont insufflé un renouveau à la discipline en multipliant les liens étroits entre la pratique pédagogique sur le terrain, les enjeux théoriques de la discipline et les avancées du monde de l’art. En 1994, j’ai écrit un texte intitulé « Les petites recherches peuvent-elles avoir de grands effets ? » (Lemerise, 1995). On y trouve des données quantitatives décrivant le nombre de diplômés et les principales orientations des recherches choisies. (Il faudra refaire cet exercice, vingt ans plus tard!) Deux axes dominent :

1- Les recherches qui explorent un aspect précis de l’enseignement de la discipline relié aux matériaux, aux techniques, aux thématiques, à l’analyse des travaux et plus généralement à la conception ou à l’application des programmes d’études de différents niveaux.

2- Les recherches qui utilisent prioritairement l’art contemporain et l’histoire de l’art comme support de l’étude. Certaines sont reliées aux pratiques artistiques des enseignants/chercheurs, d’autres sont consacrées à la lecture et à la réception de l’œuvre d’art [. . .]. Dans cet axe, on peut retrouver des problématiques culturelles et sociales tels le multiculturalisme, le féminisme, le racisme. (Lemerise, 1995, p. 73)

Les effets positifs des recherches poursuivies par les chercheurs méritent d’être mentionnés : fierté personnelle de l’enseignant-chercheur encouragé à poursuivre un projet personnel qui l’habite et qui le singularise, accueil positif dans le milieu professionnel, collaboration étroite avec l’université par l’articulation des rapports théoriques et pratiques, apport de visions diversifiées et ouvertes expliquant le pluralisme actuel, et dans plusieurs cas, capacité de bousculer et de critiquer les certitudes acquises.

J’en profite pour encourager les chercheurs à utiliser plus fréquemment des références historiques québécoises, tels la revue Vision, les mémoires de maitrise, les thèses de doctorat et autres publications disponibles au Québec. La facilité d’accès à des milliers de références internationales obtenues sur internet explique en partie le faible intérêt pour la recherche de problématiques équivalentes discutées au Québec, ce qui nécessite de consulter des archives, de procéder à des entrevues, et souvent le temps manque. Il ne s’agit pas ici du relent d’un nationalisme obtus de ma part, mais d’une volonté de marquer l’expertise d’ici en tenant compte de ce qui se dit et de ce qui se fait ailleurs.

Quelques enjeux plus douloureux à interroger

Il y a un enjeu important dont je n’ai pas parlé et qui ne dépend pas entièrement de nous, soit celui de réussir à maintenir l’offre de cours en enseignement des arts malgré la précarité et la concurrence avec d’autres disciplines dites plus fondamentales. Avant 1968, le dessin était obligatoire à raison d’une heure par semaine de la première à la onzième année. Depuis 1968, les nouveaux programmes et les nouvelles options offertes au secondaire ont bousculé nos façons de faire. Certains enseignants disaient même s’être transformés en « peddlers », en marchands ambulants auprès des directions d’école pour « vendre » la discipline. Dès les années 1970, les normes syndicales ne protégèrent pas les spécialistes et je crois que c’est encore le cas. Il faudrait faire un bilan historique sur cette problématique très complexe. Il ne faut pas oublier non plus les effets pervers de la bureaucratie et des coupes budgétaires qui pèsent lourdement sur les administrations locales.

Il faut reconnaitre également qu’on trouve ici et là, chez certains spécialistes, une grande force d’inertie et un individualisme qui nuisent à l’enseignement des arts. Et il ne faut pas oublier non plus les résistances aux changements. Les enseignants ne réagissent pas tous de la même façon aux nouvelles valeurs sociales, culturelles et artistiques qui se profilent. La jeunesse d’aujourd’hui est très différente de celle d’autrefois. Les connaissances et compétences des jeunes, étroitement liées à l’univers des médias, n’ont plus rien à voir avec l’élève des années 1980. Ainsi, les recherches actuelles de Moniques Richard (2013) et de Christine Faucher (2013) sur la culture des jeunes en témoignent éloquemment. Ce deuxième enjeu est vital pour l’enrichissement et la survie même de notre discipline. Nous sommes à l’aube d’un autre changement de paradigme en enseignement des arts.

Un troisième enjeu, historique celui-là, me préoccupe beaucoup, soit l’apparition du programme Arts plastiques/communication en 1968 et sa transformation dans les programmes des années 2000 afin de mieux intégrer les nouvelles technologies de la communication à l’intérieur même des programmes d’arts plastiques. En effet, est incorporée à tous les degrés scolaires la compétence « créer une image médiatique », ce qui était pratiquement exclu des programmes antérieurs. De plus, une nouvelle option intitulée « arts plastiques et multimédia » insiste sur les nouvelles technologies à la fois pour la création et la communication. Cette très grande avancée disciplinaire risque de faire oublier l’importance historique de l’ancien programme arts plastiques/communication. Dans la revue Vision et dans les congrès, après un certain enthousiasme au début des années 1970, cette option très importante du programme est demeurée dans l’ombre jusque dans les années 1985-1990, correspondant à l’arrivée des nouvelles technologies. J’ai quelques hypothèses pouvant expliquer ce retrait que je considère comme un rendez-vous manqué avec l’histoire, mais j’aimerais vraiment en discuter d’abord avec ceux-là mêmes qui, historiquement, ont investi dans le développement de cette option. Dit plus simplement, il y a là matière pour des recherches plus poussées.

Conclusion

Le paysage historique du statut et du rôle de l’enseignant spécialiste que je viens de brosser reflète très partiellement la réalité du milieu. En effet, on peut reprocher à ce texte d’énoncer de grandes généralités et d’oublier de multiples aspects de la profession d’enseignant. J’aurais aimé discuter de l’artiste-enseignant, du rapport de celui-ci avec le milieu de l’art, surtout avec l’art contemporain, de la motivation à choisir le métier d’enseignant et d’y poursuivre une carrière, des effets de la féminisation de la profession. Mon projet était trop ambitieux. Plus globalement, je souhaitais faire ressortir la complexité et la richesse de la dynamique du milieu actuel qui repose sur l’engagement disciplinaire, professionnel et culturel de chaque enseignant dans sa classe, avec ses élèves.

Références

Les associations d’enseignement des arts plastiques

Les associations internationales et canadiennes auxquelles a participé et participe encore le Québec

INSEA – International Society of Education through Art / Société internationale pour l’éducation artistique

La Société internationale pour l’éducation artistique a été officiellement fondée en 1954 à la suite d’une rencontre internationale préliminaire tenue à Bristol en Angleterre en 1951. Elle s’inscrit dans un grand mouvement d’internationalisation des valeurs qui, comme l’UNESCO, visait à rapprocher les peuples qui sortaient de la terrible guerre mondiale de 1939-1945. L’INSEA, dès le début, a fait la promotion du développement de la personnalité créatrice de l’enfant et de l’adolescent, valeur qui s’est effectivement diffusée partout grâce aux congrès mondiaux triennaux et aux congrès régionaux annuels tenus dans différentes parties du monde. Deux congrès mondiaux se sont tenus à Montréal, l’un en 1963, l’autre en 1993, ce dernier ayant été organisé par le quadrumvirat formé de Monique Brière, Réal Dupont, Luc Paquette et Judy Freedman. Depuis 2005, l’INSEA publie une revue intitulée International Journal of Education through Art.

CSEA/SCEA Canadian Society for Education through Art / Société canadienne d’éducation par l’art

La Société canadienne d’éducation par l’art a été fondée en 1955 à Québec. Elle regroupe des représentants des arts plastiques des provinces canadiennes et se veut un agent de développement, de concertation et d’intervention à l’échelle canadienne et internationale. Elle publie à intervalles plus ou moins réguliers deux revues et organise un congrès annuel dans différentes provinces. La revue de recherche s’intitule Canadian Review of Art Education / Revue canadienne d’éducation artistique ; à partir de l’an 2001, une revue pédagogique, The Canadian Art Teacher / Enseigner les arts au Canada, remplace la revue Journal.

Associations québécoises

Child Art Council

Fondée en 1955 par Anne Savage, elle regroupe plusieurs enseignants spécialistes anglophones et quelques francophones, dont Senécal. Ce regroupement se voulait un lieu d’échanges entre les promoteurs d’un nouvel enseignement des arts fondé sur la créativité de l’enfant. Cette association se transforme en la Société québécoise d’éducation par l’art. Quelques bulletins de liaisons étaient diffusés aux membres.

SQEA – Société québécoise d’éducation par l’art / Quebec Society for Education through Art

La Société québécoise d’éducation par l’art est une filiale de la Société canadienne d’éducation par l’art et elle fut fondée en 1959 et dissoute vers 1967-1968 quand de nouveaux enjeux éducatifs se posèrent aux spécialistes en arts plastiques. Quelques bulletins de liaisons bilingues étaient diffusés aux membres.

 APAPQ- Association des professeurs d’arts plastiques du Québec

L’association des professeurs d’arts plastiques du Québec a été fondée en 1967 et a obtenu sa charte en 1968. Cette association naît à la suite des grandes réformes du système d’éducation québécois en 1965 et de la révision complète des programmes alors en élaboration. Elle avait pour but premier d’assurer la place du spécialiste en arts plastiques dans le projet éducatif. Vision, revue de l’APAPQ, existe depuis la fondation de l’organisme et ses présidents successifs, soutenus par leur conseil d’administration, ont joué un grand rôle auprès des autorités ministérielles.

 AREAPQ – Association des responsables en arts plastiques du Québec

Cette association fondée en 1966 ou 1967 par Louis Belzile, alors responsable des arts au MEQ, visait à regrouper les coordonnateurs en arts plastiques nouvellement nommés dans plusieurs commissions scolaires; ils étaient responsables de l’implantation des arts dans un projet éducatif complètement nouveau. Dans le concret, on remplaçait les classes de la première à la douzième année par un cours primaire de six ans suivi d’un cours secondaire de cinq ans. C’est aussi l’époque où les cours optionnels et des programmes professionnels longs et courts font leur apparition dans les polyvalentes nouvellement construites.

AQESAP – Association québécoise des éducatrices et des éducateurs spécialisés en arts plastiques

En 1980, l’APAPQ et l’AREAPQ fusionnent pour être redéfinies sous l’appellation AQESAP, soit l’Association québécoise des éducateurs spécialisés en arts plastiques.

L’AQESAP ouvre ses portes non seulement aux enseignants spécialistes mais aussi aux coordonnateurs et conseillers pédagogiques en arts plastiques qui ont des responsabilités administratives et à des intervenants qui œuvrent en dehors du système scolaire, comme dans les musées ou dans les cours parascolaires. Cette association est également très active auprès des autorités ministérielles tant en éducation que dans le domaine culturel. Depuis quelques années, elle organise occasionnellement des congrès 4 arts qui ont pour but de regrouper les forces vives en enseignement de tous les arts officiellement au programme d’études.

Bibliographie

Brière, M., Lemerise, S. (2009) Une carrière exemplaire en enseignement des arts plastiques – Monique Brière raconte. Publication AQÉSAP, extraits révisés des p. 114-118.

Chambon, C. et Lahmi, J. (1977). À la recherche des arts plastiques au secondaire. Montréal, Éditons Hurtubise.

Chambon, C. et Lahmi, J. (1982). À chacun son image en arts plastiques. Montréal, Guérin.

Choquette, C. (1977). La Photo d’Amateurs, Sherbrooke : Éditions Premières Œuvres.

De Repentigny, R. (1958, mars 15). Le matin d’une vie plus riche. La Presse.

Faucher, C. (2013). Pratiques culturelles d’élèves de la troisième secondaire dans cyberespace : jonctions avec la classe d’art. Thèse en études et pratiques des arts. UQAM.

Gagnon, M. (1945). Sur un état actuel de la peinture canadienne. Montréal : Société des éditions Pascal.

Lemerise, S. (1995). De petites recherches peuvent-elles avoir de grands effets ? Changement sociétal et recherche en éducation (p. 69-82). Université du Québec à Chicoutimi : Les éditions ERE.

Lemerise, S. (2000). Théories du développement graphique : de la naissance à l’épuisement d’un modèle. L’enseignement des arts plastiques : recherches, théories et pratiques (p. 11-23). Canadian Society for Education through Art.

Lemerise, S. et Nadeau, B. (2010). Jean-Baptiste Lagacé, inspecteur de l’enseignement du dessin à la Commission des écoles catholiques de Montréal (1928-1942). In O. Hazan (Dir.), La culture artistique au Québec au seuil de la modernité (p. 217-255). Québec : Septentrion.

Lemerise, S. et Sherman, L. (2006). Modern art and child art in Quebec : The symbiotic relationship between the art field and child art. Dans H. Pearse (Dir.), From Drawing to Visual Culture (p. 120-146). Mc-Gill-Queen’s University Press.

Le Moine, R. (1991). Deux loges montréalaises du Grand Orient de France. Ottawa : Les Presses de l’Université d’Ottawa.

Lowenfeld, V. (1952). Creative and Mental Growth. New York : The Macmillan Company.

Magnan, C.-J. (1910, octobre). Les instituteurs catholiques et la Franc-Maçonnerie. L’enseignement primaire, 2,, 131-132.

Richard, M. (2005). Culture populaire et enseignement des arts. Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec.

Richard, M. (2013). Hybridité, multimodalité et pratiques de création informelles des jeunes : enjeux théoriques et pédagogiques. Subventions Savoir du CRSH, 2013-2016.

Richard, M. (1998). Les arts plastiques à l’école. Montréal : Les Éditions Logiques.

Recherche CRSH

Sylvestre, L. (2008). Analyse des pratiques de cinq enseignantes spécialisées en arts plastiques au primaire favorisant l’action de l’élève dans le travail de l’exposition en milieu scolaire (Thèse de doctorat). Université de Montréal.

Trépanier, E. (1998). Peinture et modernité au Québec 1919-1939. Éditions Nota bene.

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