Dialogue avec l’espace

Les lieux favorables à l’expression plastique à l’extérieur de l’établissement : LE QUARTIER

par Dominique Carreau

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Dominique Carreau

Chargée de cours à l’UQAM, didactique des arts plastiques au préscolaire et au primaire

Biographie

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Nous retrouvons ici la suite de l’article « Répertoire des lieux favorables à l’expression plastique: dialogue avec l’espace » paru dans la revue Vision 75. Nous y avions abordé les lieux situés à l’intérieur de l’école tels que les espaces-environnement, des lieux vastes tels un plancher, un mur, une fenêtre, un plafond, un corridor, un escalier; les espaces-équipement, des lieux plus restreints tels une table, un chevalet, un tableau; et les espaces qui exploitent autant les espaces-environnement que les espaces-équipement, la combinaison des espaces.

Nous avions mentionné que certains lieux très ouverts permettent une plus grande liberté d’expression et du geste, alors que des lieux plus restreints permettent un rapport plus intimiste avec l’objet créé. L’enfant découvre des points de vue différents selon qu’il crée en plan, en plongée ou à hauteur d’yeux; certains lieux offrent aussi un choix varié de positions du corps, permettant de créer couché, juché sur le bout des pieds ou sur un petit banc, allongé de tout son corps ou recroquevillé caché sous une table.

Attachons-nous donc ici aux ESPACES DE CRÉATION SITUÉS À L’EXTÉRIEUR DE L’ÉTABLISSEMENT.

Sortir de l’établissement permet une nouvelle relation entre l’enfant et le lieu de création. Il s’agit de stimuler son imagination et de l’amener à créer dans des endroits inhabituels. C’est aussi lui proposer des lieux vastes, plus grands et plus larges que lui où déployer sa créativité.

Peu importe le lieu, la réalisation de l’enfant peut être permanente ou éphémère. Elle est permanente dans le cas où il colle ou incorpore ses éléments sur un support bidimensionnel ou tridimensionnel, sur des feuilles par exemple ou dans l’argile. Elle est éphémère dans le cas où il réalise des sculptures en juxtaposant ou en superposant des éléments dans le lieu même de ses découvertes. Ces activités pédagogiques éphémères s’inscrivent ainsi dans le courant du Land Art et seule la photographie permet de garder des traces de la création.

Les élèves peuvent réaliser une création artistique réaliste ou abstraite avec des éléments naturels. Ils s’inspirent de la forme ou de la nature du matériau pour donner corps à leur idée. Les matériaux qui composent ce lieu prennent une importance capitale pour la création : « Cela représente un défi que d’utiliser des matériaux incongrus, sans lien apparent les uns avec les autres pour créer une sculpture unifiée » (Sylvestre, 1989, p. 25).

Les œuvres de Land Art, conçues à l’extérieur, établissent aussi de nouveaux rapports avec le public. Étant réalisée et exposée à l’extérieur, l’image devient sujette à plus de critiques puisqu’elle est vue par un plus large public. Chaque enfant qui crée à l’extérieur aura incidemment à défendre et à expliquer ses idées (Sylvestre, 1989, p. 21-22). Créer à l’extérieur, c’est risquer un dialogue avec l’espace.

Voici quelques lieux intéressants à explorer.

Les murs extérieurs de l’établissement sont des espaces de création simples à exploiter. En y fixant une feuille de papier, on peut y dessiner ou y peindre debout devant celle-ci. Les surfaces des murs extérieurs présentent des textures variées à découvrir, car elles sont recouvertes de béton, de pierre, de brique, de stucco, etc. On parcourt ses différentes surfaces lisses ou texturées en touchant avec les mains, puis avec la technique de frottis. Quel plaisir de peindre sur les murs avec de l’eau à l’aide de pinceaux, d’éponges, de vaporisateurs ou d’un gros fusil à eau!

S’il est intéressant de regarder dehors par la fenêtre, regarder l’intérieur du local par la fenêtre extérieure s’avère tout aussi stimulant. Si elle est accessible, on peut peindre sur cette surface vitrée. Ceci est encore plus intéressant si un groupe d’enfants s’installe du côté extérieur tandis qu’un autre groupe se place du côté intérieur. Les deux groupes se retrouvent alors face à face pour créer.

La clôture de broches offre un excellent lieu pour réaliser un tissage de grandes dimensions ou pour installer une grande feuille de papier. Ces jeunes filles de 4e année peignent à l’aide d’un vaporisateur d’eau colorée et ont de l’espace pour que tout leur corps participe à la création.

L’aire de stationnement présente un très grand espace de création. Avec des consignes de sécurité claires et des cônes orange pour interdire aux voitures de passer, elle devient un espace à exploiter. Les élèves réalisent ici des frottis sur des pneus. Une variété de pneus offre une diversité de résultats, de même le marchepied du camion offre des surprises. Garçons et filles s’intéressent à cette activité où l’on découvre que les surfaces peuvent être lisses ou texturées.

Créer à l’extérieur de l’établissement implique un travail sur différentes surfaces au sol. Multiples, celles-ci offrent des possibilités d’exploitation qui le sont tout autant.

Les enfants aiment jouer à marcher sur les lignes du trottoir ou à sauter par-dessus. C’est aussi un classique que de dessiner sur le trottoir à l’aide de craies de couleur. Les lignes séparant les sections délimitent inconsciemment la surface de travail.

Une bordure de rue constitue un volume horizontal sur lequel les enfants s’inventent un nouveau lieu pour réaliser des créations éphémères. De manière naturelle, ils font des petits tas avec les résidus prisonniers de l’encoignure. En coopération, ils peignent d’un côté ou de l’autre de cette bordure. Seuls ou en petits groupes, les enfants sont assis, accroupis, parfois même allongés.

Sur ces surfaces d’asphalte, les jeunes créent, à très grande échelle, des réalisations éphémères comme ces dessins de spirales ou ces peintures de zigzags avec de l’eau.

C’est un plaisir assuré que de vaporiser une bruine d’eau par-dessus son pied, sa main ou son bras, qui servent ainsi de pochoir! L’enfant découvre le négatif et le positif d’une forme. Ces jeux se poursuivent en vaporisant l’eau autour d’un objet, seul ou en coopération.

L’artiste voit autrement. Ici, il ne voit pas un caniveau, mais bien le ventre d’un personnage. Le rôle de l’adulte est justement d’amener les jeunes à développer ce regard artistique et de l’initier à l’art urbain.

Être à l’extérieur lors d’une journée ensoleillée permet au jeune de découvrir son ombrage. Il peut même lui toucher. Amusants, n’est-ce pas, ces ombrages où, en groupe de 4, les enfants créent un personnage à plusieurs bras! L’ajout d’accessoires (comme ici les chapeaux qui proviennent de la boite à déguisements) apporte un nouveau souffle au défi créatif.

Jouer avec des cailloux demeure une activité des plus naturelles pour l’enfant. Toutes les grosseurs l’intéressent, autant la poussière de roche que les grosses pierres. Spontanément, il les juxtapose, il les regroupe et en découvre les différentes colorations. Il gratte le gravier pour y tracer des lignes et des parcours.

Les enfants s’amusent naturellement aux endroits où l’on retrouve de l’eau mélangée à de la terre. Cette matière boueuse leur procure des expériences tactiles et sensorielles. Elle favorise les interactions sociales et la coopération (Hendrix, 1993, p. 408). Les jeunes créent minutieusement ou s’acharnent à creuser, ou encore, façonnent consciencieusement des volumes. Certains enfants aiment particulièrement s’enduire les mains, les pieds ou tout le corps de boue comme les artistes d’art corporel ou de body painting.

Après une pluie, nous avons observé à quel point les enfants apprécient passer de longs moments à jouer et à sauter dans les flaques d’eau. Photo N Dessiner les contours des flaques à la craie de tableau exige de la minutie, cela développe la motricité fine et la précision du geste. Faire le contour avec des éléments de la nature initie les jeunes au Land art. Du point de vue des arts plastiques, ces formes abstraites dégagent l’enfant de la peur de mal exécuter le dessin en lui assurant d’avoir un sujet à dessiner car, s’il n’a pas d’idée, il n’a qu’à se laisser aller à dessiner le contour des formes.

Il est possible de créer sur un sol recouvert de feuilles, de gazon ou de fleurs. L’été, quelle belle occasion de dessiner des fleurs annuelles ou des mauvaises herbes dans leur environnement naturel ! Ce caneton se laisse observer et dessiner. Que de détails le dessin d’observation permet de découvrir !

Encore des jeux avec les ombres, mais cette fois sur le gazon. On découvre que, si l’enfant saute, l’ombre saute elle aussi, tout comme elle peut courir ou se tortiller. De retour en classe, ces jeunes du primaire ont été invités à dessiner de mémoire ce qu’ils ont observé de leur ombrage. Ils ont bien saisi que les ombres pouvaient se situer derrière, devant, à côté ou sous leur corps.

L’ombre projetée des arbres, d’une grosse roche ou de son propre corps est à exploiter en invitant les jeunes à en faire le contour ou à remplir la surface avec les éléments de la nature trouvés au sol.

 Profiter d’une surface enneigée pour créer, pourquoi pas? Les enfants s’en donnent à cœur joie à modifier cette matière et à réaliser des créations éphémères. En dessinant sur cette surface, ils découvrent un espace moins défini qu’une feuille de papier.

Dans le prochain numéro, nous élaborerons les lieux favorables à l’expression plastique situés à l’extérieur de l’établissement, soit les espaces publics et privés qu’offre le quartier ou ceux qui découlent de grandes sorties à la ferme, à la plage, aux musées, aux ateliers d’artistes… D’ici le prochain numéro, si vous avez des idées à partager, n’hésitez pas à communiquer avec moi.

dominiquecarreau@videotron.ca

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