IDÉES D’AILLEURS

LA PÉDAGOGIE DE GERMAINE TORTEL

par Maia Morel

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Maia Morel

Biographie

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En côtoyant l’Association pédagogique Germaine Tortel, Paris, France,[1]  j’ai appris une vérité, qui me sert depuis une quinzaine d’années comme point de départ pour toute mon activité d’enseignante : ce n’est pas dans des travaux épinglés que nous lisons le plus de choses, c’est dans le dialogue et le comportement enfantin, dans sa parole explicative.

Selon Madame Germaine Tortel:

« L’art de l’éducateur est avant tout l’art d’écouter l’enfant,  de tenir compte de ses propos, de le prendre en considération. »…

« Il s’agit de faire en sorte que l’enfant parle pour atteindre l’autre, pour atteindre sa propre  pensée.»

Ainsi, l’art n’est jamais sans recherche, il est toujours une occasion; d’apporter un argument, de trouver des idées, d’expliquer, de s’interroger, de faire un choix, d’écouter, de formuler ce qu’on pense, d’approuver, de partager, d’adhérer, de critiquer,de proposer une correction.

C’est-à-dire que toute activité artistique est une occasion de faire en sorte qu’une fois grand les enfants d’aujourd’hui aient pleinement la faculté de socialiser, d’être autonome et responsable.

On ne leur proposera donc jamais des sujets de pure imagination. Car on n’a pas à développer en eux que l’esprit fantaisiste, mais la réflexion, le jugement, le sentiment moral et la capacité d’exprimer simplement, clairement, correctement, ce qu’ils pensent.  La démarche pédagogique de Germaine Tortel en est un bon exemple.

Ces dernières décennies, la place de l’enfant à l’école et dans la société a profondément changé. Longtemps objet d’interventions, il est de plus en plus reconnu comme acteur, voire sujet de son existence. Si l’école traditionnelle considérait l’enfant (l’élève) comme objet et non pas comme sujet de l’acte pédagogique, et qu’il  a été longtemps pensé par rapport à l’adulte, étant considéré comme un être inachevé, aujourd’hui l’enfant n’est plus l’objet passif de son développement. Il est considéré comme une personne à part entière possédant des capacités réelles du point de vue tant cognitif, que social et affectif. Cette évolution du regard porté sur l’enfant trouve ses sources dans la montée de l’idéal démocratique dans les relations interpersonnelles, et dans la valorisation individuelle.

La nouvelle conception de l’enfance, formulée vers la fin des années 1980, est actuellement légalisée par divers documents relatifs au droit de l’enfant (voir : CIDE  1989). Cependant, l’éducation démocratique, fondée sur cette conception s’est développée avant,  dans les courants de la nouvelle éducation  au milieu du 20e siècle, par exemple – en Europe – par Freinet, Montessori,  Tortel ou d’autres.

Les axes principaux de l’éducation nouvelle ont  été  le développement :

  • de l’autonomie de l’enfant, le développement
  • de sa capacité à faire des choix
  • ainsi qu’à prendre diverses responsabilités et à formuler sa propre opinion.

Ces éléments donnant à l’enfant le statut de sujet de l’éducation.

En grande partie l’activité artistique de l’enfant occupe une place centrale, voire exclusive, dans ces démarches éducatives, que l’on parle de l’éducation artistique dans la pédagogie Freinet, de l’éducation de la sensibilité dans la pédagogie de Maria Montessori, de l’eurythmie dans la pédagogie Steiner, ou du développement de la créativité artistique dans la pédagogie de Germaine Tortel.

Quelle place peut-on attribuer aux arts plastiques pour éduquer l’autonomie et la responsabilité de l’enfant ? Germaine Tortel , qui crée sa réflexion pédagogique à partir de son expérience dans les classes maternelles, introduit le concept de prise de conscience par le développement du  langage enfantin[2]. Le langage est selon elle un témoin du développement de la personnalité, et de l’affirmation de la place de l’individu dans la société ; l’acte de la parole  affirme l’individualité de l’enfant : à partir de « je veux » et « je crois que » il développe des formules qui  exprimeront sa capacité de faire des choix.

Cet aspect  du développement  de l’enfant nécessite des stimulations sensorielles,  affectives, sociales,  pédagogiques. À ces fins, Germaine Tortel propose une pédagogie de projet. Le groupe-classe s’engage dans une recherche et se donne un projet à réaliser, nécessitant documentation, enquêtes, discussions, expressions, réalisations manuelles et verbales. Dans un projet de classe, l’adulte et les enfants sont engagés ensemble dans une recherche consciente, construite, documentée, aussi achevée que possible.

Le projet se fonde sur la prise de conscience : chaque jour un dialogue contradictoire réunit maîtres et enfants autour d’un problème réel qui concerne profondément les enfants : la vie, la mort, la naissance, la joie, la peur… C’est l’apprentissage de la compréhension de l’autre et de soi. Les enfants apprennent à coopérer, à réaliser quelque chose ensemble, chacun devient responsable et le groupe devient également créateur ; ils  apprennent à achever une tâche.  Ainsi, l’approche éducative de Germaine Tortel est définie comme « une pédagogie de l’enfance reconnue, écoutée, entendue » (Jean Vial, Université de Caen). Chacun peut s’exprimer, tous apprennent le respect des opinions différentes et écoutent les interrogations de chacun. Comme Mme Tortel a si bien dit:

« Promouvoir dans l’enfant celui qui accueille l’œuvre et en parle, celui qui apprend à la présenter dans une assemblée d’égaux,  à admettre la contradiction et la critique,  celui qui apprend à voir l’œuvre d’autrui, à l’admettre, à en recueillir l’argument,  à en valoriser le point de vue, ce n’est pas l’amuser superficiellement à jouer, le discuter, mais l’orienter vers la construction  d’une inquiétude féconde.»

Voici des travaux réalisés par les enfants des écoles maternelles de Paris, produites lors des activités organisés par  Germaine Tortel et/ou  ses collègues accompagnés des commentaires émis par les enfants eux-mêmes.

« Mon soleil est comme une grosse boule de feu qui éclaire pour faire le jour » (im. 1) ;

« Les racines, elle mangent des bonnes choses de la terre, ça fait la sève qui monte dans l’arbre et dans les branches, ça fait pousser les feuilles » (im.2) ;

« Le feu fait du mal, il détruit tout. J’ai fait du noir dans le ciel parce que le feu rend malheureux, le rouge du feu coule partout. Il n’y a pas d’hommes, plus de bêtes, plus d’arbres. Le feu a tout brûlé. Alors je n’ai pas pu les peindre puisqu’ils sont brûlés !  Le feu ne fait que des flammes et de la lumière » (im. 3) ;

« Le blanc, c’est de la neige », « Les carrés, on dirait de belles fenêtres », « Et les petits points c’est de la lumière », « C’est celle du soleil », « C’est pour regarder dehors », « C’est pour voir clair » (im. 4) ;

« J’ai fait la bouche ouverte parce qu’il crie et ses cheveux tout droits parce qu’il a peur et puis le noir et le violet ça fait peur » (im.5).

Autre exemple d’échanges autour du  dessin de Simone, qui ne sait pas ce qu’elle a dessiné : « C’est pourtant très joli, dit la maîtresse, moi, je vois plein de lumière » ; « Oui, dit Martine, son dessin est gai ». Et les autres poursuivent : « Parce qu’il y a des très belles couleurs », « Je vois des fleurs », « Un chemin », « Je vois une rivière qui descend » (im.6).

En conclusion, la pédagogie Tortel est un processus où l’enfant est écouté, où on s’intéresse à lui, où sa parole est respectée. C’est un contexte qui démontre comment l’expression plastique stimule sa pensée, sa détermination, sa capacité d’argumentation. C’est une dialectique qui le conduit à l’autonomie dans ses gestes, à la responsabilité pour la réponse plastique qu’il propose, à la prise de conscience de l’intention et des résultats obtenus.

« L’enfant, en présence de son dessin, se compose un discours narratif, de plus en plus étendu, rempli des plus exquises découvertes.» Germaine Tortel

 

[1]           http://pedagogietortel.monsite-orange.fr/

[2]           Démarche qui est opposée au mouvement non-interventionniste, et diffère notamment de la position de Arno Stern, qui insiste sur l’idée de ne jamais initier des discussions sur l’acte créateur, ni sur la production artistique, qui  forment d’après lui  un processus clos ne tolérant aucune intervention ni de l’extérieur, ni vers l’extérieur.

[3]            (http://www.box.net/shared/s8jrdoayrs).

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