Lier les générations par la cocréation: un projet pour briser l’isolement et enseigner autrement

par Ethel Cyr Laurendeau, Minerva Guerra Cruz, Liliane Lapointe et Véronique Perron

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Ethel Cyr Laurendeau, Minerva Guerra Cruz, Liliane Lapointe et Véronique Perron

Biographie

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    Introduction

    Nous sommes quatre étudiantes ambitieuses, inscrites au baccalauréat en enseignement des arts visuels et médiatiques à l’UQAM. Le nouveau cours de Cocréation pédagogique en fablabs, offert par le professeur Martin Lalonde à l’UQAM à l’été 2020 dans un contexte particulier de confinement (Masson, 2020), nous a permis de développer un projet qui nous tient à coeur, et qui a fait éclater nos perceptions de l’enseignement en général.

    Nous avons développé le Projet Hologramme en quatre semaines intensives, en grande partie en télétravail (voir Laurendeau et al., 2020). Ce dernier a été pour nous une révélation sous de multiples aspects: les possibilités en pédagogie autres que ce que l’on peut apprendre dans le cadre du programme d’éducation québécois, notre rôle en tant que futures enseignantes, les nouvelles avenues qui se déploient lorsque des enseignants se mettent à travailler en cocréation, ou encore la découverte de ce qu’est le mouvement des fablabs et sa philosophie.

    Le Projet

    Notre projet s’est dessiné graduellement, guidé par l’envie que nous avions depuis un certain temps de travailler ensemble, et par la volonté de créer un projet éducatif complet, prêt à être exécuté en classe, et répondant à une problématique de terrain réelle.

    L’objectif premier du Projet Hologramme est de créer un lien entre les générations. Une rencontre entre les jeunes et les personnes âgées, rencontre qui prend une plus grande importance en cette période de confinement. En créant un lien intergénérationnel, nous favorisons également un lien entre les enseignants, les élèves du secondaire, et le milieu des fablabs (dont il sera question un peu plus loin). Notre idée initiale était celle de sortir les personnes âgées de leur isolement en proposant aux jeunes de reconnecter avec leurs grands-parents. L’expérience commence avec un échange de lettres par correspondance, puis se poursuit avec la fabrication d’une « boite à hologramme », pour laquelle les élèves créent du contenu vidéo personnalisé, que ce soit un diaporama accompagné de musique, une performance, un stop-motion, une animation 2D ou tout autre type de production vidéo. Les élèves doivent partager un message, évoquer un souvenir ou, simplement, faire du bien à la personne âgée qui recevra cette boîte animée.

    La rencontre intergénérationnelle

    Nous avons donc pu observer, avec notre projet, la rencontre entre deux générations, soit celle de jeunes ayant entre 12 et 14 ans, et celle de personnes âgées (ici plus spécifiquement de femmes âgées entre 65 et 75 ans). Cet aspect apporte une dimension nouvelle en ce qui a trait à la transmission de la culture et au rapport au passé. En correspondant avec une personne qui a vécu la révolution sexuelle, les mouvements hippies ou encore, au Québec, l’expo 67 et le changement de rapport à la langue et à la religion, les élèves du secondaire ont grandement à apprendre. Le fait de devoir réfléchir à ce qui ferait plaisir à une personne en particulier, en se basant sur ses goûts et ses souvenirs, crée un rapport intime avec des fragments culturels bien uniques.

    La beauté de la cocréation

    La cocréation, c’est l’idée de réaliser un projet en commun en se nourrissant d’échanges soutenus durant le processus créatif. C’est le fait d’allier les compétences en prônant la non-hiérarchisation des participants et des différents champs d’expertise. Il faut partager et être ouvert à la réalité des autres en allant au-delà des initiatives personnelles et en fusionnant les démarches. Il est important de noter qu’en réalisant des projets de cocréation, l’isolement disparait. En travaillant ensemble dans des espaces de travail collaboratif (contrairement au travail individuel), les créateurs peuvent socialiser et développer des affinités, et peuvent ainsi collaborer plus naturellement. 

    Nous avons tenté d’adopter en tout temps une approche cocréative, malgré les embûches que la situation de confinement nous a imposées. La constance de chaque coéquipière était ici la clé, afin d’apprivoiser de façon progressive la complexité du projet et favoriser l’évolution fluide de ce dernier. Nous avons mis nos idées en commun et avons maintenu des échanges actifs tout au long de la création. En identifiant les forces de chacune, nous avons divisé le travail également en prenant soin de garder une influence réciproque constante.  

    Il est indéniable que nous bénéficierions énormément de notre expérience de travail de cocréation dans notre carrière en enseignement. Allier des compétences différentes, des visions différentes, dans le but d’atteindre un objectif commun et des résultats incroyablement riches devrait être à la portée de tout enseignant. Que nous pensions aux différentes expériences, aux différentes matières et aux différents modes de travail qui habitent les enseignants du primaire et du secondaire; la cocréation entre actrices d’une même équipe-école ou entre actrices de divers milieux ne peut qu’être favorable au milieu éducatif. 

    Notre initiation au fablab

    Les fablabs sont des organisations qui opèrent des ateliers de fabrication numérique.  Même si chaque fablab est unique, ce type d’organisation peut réunir des techniciens, des artistes, des programmeurs ou simplement, comme c’est le cas la plupart du temps, des citoyens qui désirent apprendre et partager leurs connaissances. Les usagers ont accès à des outils, à des logiciels libres et à des tutoriels de machinerie. Les fablabs agissent comme des laboratoires guidés par un engagement social, dans lesquels l’échange de connaissances, le travail collaboratif et l’accessibilité sont mis de l’avant afin de créer des projets novateurs. Ils permettent aussi à la communauté de réaliser des projets de nature citoyenne, durant lesquels les usagers sont encouragés à partager leurs connaissances avec les autres participants. Afin de soutenir leur mission de développement culturel et d’autonomie sociale, l’objectif des fablabs est la démocratisation de la technologie et des savoir-faire (Fablab Québec, s.d.; fabfoundation, 2020). 

    En débutant notre cours d’été, nous n’avions aucune idée de ce qu’est l’environnement particulier d’un fablab. C’est en rencontrant les collaborateurs de ce cours, les intervenants de l’équipe des services éducatifs de la BAnQ et du Square (BAnQ, s.d.; Fondation de BAnQ et Banque Nationale, s.d.), Mathieu Thuot-Dubé et Mathieu Laporte, que nous avons commencé à comprendre qu’est-ce qu’un fablab, et comment cette philosophie de partage et d’apprentissage par le faire nous rejoint. 

    Dans un fablab, il n’y a pas de limites, pas de barrières, pas de frontières. Tout est possible, ou presque. On apprend par essai-erreur, on développe des compétences en essayant les outils pour la première fois, et on défriche des voies inexplorées. C’est un peu ce que nous avons vécu nous-mêmes, avec la création du Projet Hologramme. Nous avons essayé des outils nouveaux, avons réfléchi à des solutions inventives à des problématiques sociales concrètes, et nous nous sommes appuyées l’une sur l’autre, avec nos compétences respectives, pour créer. La philosophie du fablab a teinté notre projet, et va sans aucun doute teinter notre façon d’enseigner dans le futur. 

    Le rôle de l’enseignant dans le contexte du fablab 

    Nous provenons toutes de milieux différents, et avons parfois même un syndrome d’imposteur en étant inscrites en enseignement des arts, parce qu’il nous manque certaines compétences. La découverte de la philosophie du fablab nous a amenées à réaliser que le rôle de l’enseignant tel qu’on le voit traditionnellement n’est pas le plus approprié pour le développement de nouvelles compétences en lien avec les technologies. Le fablab nous a permis de constater que l’enseignant peut jouer un rôle de guide et médiateur dans un projet d’apprentissage, et non un rôle autoritaire qui implique qu’il est le détenteur et le transmetteur de la connaissance. L’enseignant peut découvrir avec ses élèves et apprendre avec eux. Il peut même apprendre de ses élèves, et ces derniers peuvent s’apprendre mutuellement. 

    Nous voyons de plus en plus d’articles, de témoignages et d’exemples concernant cette réflexion et cette remise en question du rôle traditionnel de l’enseignant. D’un autre côté, plusieurs enseignants se sentent démunis, voire handicapés, face aux nouvelles technologies qui apparaissent de manière exponentielle dans les classes. Ils sont quelquefois intimidés face à leurs élèves. L’évolution des connaissances technologiques des élèves est très rapide et ce n’est pas rare qu’ils en connaissent davantage que leur enseignant. Le fossé qui sépare l’enseignant de ses élèves est parfois important. 

    Avec ces difficultés et le matériel numérique souvent désuet dans les écoles, une ressource comme un fablab permet d’épauler les enseignants désirant trouver des projets qui touchent de près les jeunes, autant par les thèmes abordés que par les médiums utilisés. Les enseignants et élèves peuvent parfaire ensemble leurs connaissances dans les divers domaines technologiques et contribuer selon leurs forces respectives. L’utilisation des logiciels gratuits est avantageuse, car les élèves peuvent poursuivre leur travail créatif au-delà de la classe d’art s’ils ont le matériel disponible à la maison. Il est primordial que les jeunes de tous âges développent leur regard critique sur l’utilisation des médias de masse, et nous osons espérer qu’un telle pédagogie les amènera à se démarquer de manière créative et à produire du contenu unique sur les plateformes web. 

    La pédagogie et le fablab

    Le Projet Hologramme nous a donc amenées à repenser l’enseignement par les initiatives du « team teaching », de l’enseignement collaboratif, et de la pédagogie par projets qu’il implique.  Les projets basés sur des principes de non-hiérarchie et de collaboration comme ceux des écoles alternatives ou celui des Cercles d’auteurs, à la Commission scolaire des Hautes-Rivières (Cercles d’auteurs, 2020) nous démontrent de façon concrète que le rôle de l’enseignant est appelé à changer, et c’est pour le mieux. Aborder la pédagogie dans les fablabs nous pousse à tester ces nouvelles avenues. 

    Il est intéressant de se questionner sur la bonne façon d’enseigner la mécanique du fablab et l’approche par projet en tant que tel. Le format pédagogique du fablab s’apparente beaucoup à la pédagogie des écoles alternatives. Nous croyons que cette façon d’apprendre par projet est bénéfique pour l’élève entre autres, car elle propose autre chose que la simple expérience scolaire inflexible de l’école dite régulière. Tout comme au fablab, le programme pédagogique de l’école alternative utilise le modèle d’apprentissage par projet. Celui-ci sollicite non seulement la créativité de l’élève, mais l’engage aussi dans un parcours où il est maître de ses propres décisions. Il permet à l’élève d’exploiter des thèmes qui lui sont d’intérêt et lui permet de parfaire ses connaissances dans une matière qu’il connait déjà ou d’explorer de nouveaux sujets. Ainsi, l’approche par projet contribue au développement des compétences transversales et permet à l’élève de s’approprier la démarche d’apprentissage. Il s’implique lui-même dans une recherche et une réalisation personnelles, et ce, de façon autonome. Il acquiert des connaissances par l’expérience, la manipulation et l’action. 

    La pédagogie du projet n’est pas une activité supplémentaire au curriculum, mais bien la base de ce système. En plus de contribuer aux apprentissages individuels de l’élève, le développement d’un projet suscite la collaboration et la socialisation des apprenants qui utilisent une intelligence collective. Au fablab, c’est en cocréant et en utilisant les forces de chacun que les élèves apprennent. Les élèves qui travaillent en groupe développent des aptitudes collaboratives et non compétitives, en plus de cultiver un sentiment d’appartenance à un groupe. Ils se nourrissent des aptitudes et des découvertes des autres et développent des compétences d’ordres personnel et social. 

    Conclusion

    Le Projet Hologramme nous a permis de développer un projet au goût du jour qui exploite les nouvelles technologies, tout en faisant le pont intergénérationnel et culturel entre les aînés et les adolescents. Cette cocréation nous a permis de mettre en lumière l’importance du travail d’équipe, en alliant nos forces et connaissances, pour offrir un projet « clé en main » constructif et éducatif pouvant être exploité par les enseignants désirant mettre sur pied un projet en fablab ou instaurer des pratiques plus alternatives en classe. Ce genre d’initiatives, encore largement sous-exploitées dans les écoles, seraient d’abord un bon moyen de diminuer le fossé technologique pouvant exister entre l’enseignant et ses élèves. Elles pourraient ensuite, en étant davantage explorées en milieu scolaire, constituer une très bonne porte d’entrée vers des pratiques enseignantes davantage flexibles où l’élève est mis de l’avant. Finalement, des expériences comme celle vécue avec le Projet Hologramme représentent une approche novatrice pour sensibiliser, promouvoir et favoriser une utilisation éthique des nouvelles technologies tout en mettant le travail collaboratif de l’avant. En mettant en commun les forces de chacun, il est possible mettre en place des projets différents et novateurs. Jeunes et âgés, enseignants et élèves, scientifiques et artistes, nous gagnons tous à cocréer, à collaborer, à évoluer sans limites ni frontières… comme dans un fablab.

    Bibliographie

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). (s.d.). BanQ Éducation. https://education.banq.qc.ca/

    Cercles d’auteurs. (2020). Les cercles d’auteurs. https://www.cerclesdauteurs.com/ 

    Fablabs Québec. (s.d.). La charte des Fablabs. Dans Fablabs Québec. https://fablabs.quebec/?page_id=10

    Fabfoundation. (2020). Getting started with Fab labs. Dans fabfoundation.

    https://fabfoundation.org/getting-started/

    Fondation de BanQ et Banque Nationale. (s.d.). Le Square. https://square.banq.qc.ca/

    Laurendeau, E., Lapointe, L., Guerra Cruz,

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