Andrée-Caroline Boucher
Conseillère pédagogique, Service national du récit domaine des arts
Biographie
Autres publications de cet auteur
Le manga, cette bande dessinée populaire, est un phénomène majeur dans le paysage culturel japonais. Au Québec, l’intérêt est sans cesse croissant chez les jeunes, particulièrement chez les garçons, pour cette forme d’expression singulière.
En effet, cette bande dessinée aux dialogues courts et aux images expressives accroche réellement les jeunes lecteurs. Elle a ceci de particulier qu’elle séduit même les lecteurs moins assidus. Cette observation nous a menés à nous demander comment passer d’une telle influence culturelle de type populaire à un réel rehaussement culturel chez l’élève. Est-il possible de créer un pont culturel authentique entre la vie des jeunes et la culture savante? Ce type de BD peut-il motiver les enfants à lire, à écrire et à créer davantage?
À partir de ces questionnements, André Roux et moi avons eu le désir de monter un projet qui exploiterait à la fois la tablette tactile, le tableau numérique interactif (TNI) et l’écran vert. Ce projet allait permettre de développer des compétences en français, en arts plastiques et en art dramatique. Nous l’avons imaginé autant pour le 3e cycle du primaire que pour le 1er cycle du secondaire.
Contexte du projet
C’est dans une classe de 5e année du primaire de la Rive-Sud de Montréal que nous avons entrepris cet ambitieux projet. Dans cette classe de banlieue cossue, le nombre de garçons dépasse celui des filles. En général, les élèves sont moyennement enclins à la lecture et à l’écriture. Par contre, ce sont des jeunes enthousiastes qui adorent leur dynamique titulaire prénommée Isabelle.
Préparation
Nous débutons par une activation des connaissances antérieures en questionnant les élèves sur ce qu’ils connaissent déjà au sujet des bandes dessinées et des mangas. Par la suite nous les invitons à un jeu coopératif «le rallye manga» à partir du site créé pour le projet Histoire de manga afin qu’ils acquièrent de nouveaux savoirs et qu’ils les partagent avec leurs camarades de classe. Comme le site est élaboré sous forme de blogue, les élèves n’ont pas l’impression d’être dans une activité sérieuse, mais plutôt dans un univers ludique et ouvert. Apprendre en s’amusant, tel est notre leitmotiv!
Réalisation
D’abord, une appréciation d’une bande dessinée manga nous semble incontournable. Le TNI est mis à contribution pour vivre une appréciation collective mettant en valeur les éléments du texte et de l’image à partir de la même BD disponible gratuitement en ligne.
Ensuite, nous poursuivons par la tempête d’idées, la rédaction d’un synopsis, d’un scénarimage, des dialogues, la réalisation d’esquisses et la planification de la session de photos. Toutes ces étapes préparatoires sont essentielles à la création finale. Par la suite, nous organisons une demi-journée de prise de photos en utilisant la tablette tactile iPad, avec ou sans écran vert. Ici, l’écran vert peut servir à situer les jeunes dans un autre décor, fantaisiste ou imaginaire, comme le Japon du futur ou une planète hostile à la vie. Lorsque les photos sont prises, elles sont retravaillées de façon artistique afin qu’elles ressemblent davantage à un dessin qu’à une photo. Les élèves y ajoutent des éléments graphiques rappelant les caractéristiques du manga : gros plan sur les yeux, cheveux en pointe, petits animaux, expressions exagérées, émotions évidentes, textes courts, etc. Ces images, toujours en exploitant le iPad, sont ensuite transférées dans une autre application de bande dessinée, dans ce cas-ci «Comic Life», afin de monter les différentes planches et d’ajouter les nombreux phylactères et onomatopées. Petit à petit, la bande dessinée se crée et nous remarquons que les élèves ont plaisir à utiliser ce nouveau vocabulaire disciplinaire.
Intégration
La bande dessinée terminée, nous demandons aux élèves de l’exporter dans une nouvelle application qui la rendra sous forme de livre numérique, c’est-à-dire en format ePub. C’est l’application gratuite BookCreator qui servira à cette ultime étape. Enfin, ces bandes dessinées numériques peuvent être publiées, partagées, lues, regardées et appréciées! À cet égard, le service national du RÉCIT, domaine des langues offre un nouvel espace de diffusion, la Bibli DDL où tous les livres numériques créés par des élèves peuvent être publiés et téléchargés. Sachant qu’ils seront éventuellement lus par d’autres jeunes comme eux, les élèves d’Isabelle étaient extrêmement motivés à donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils avaient déjà hâte de réinvestir leurs nouvelles connaissances et de se remettre à la tâche pour une nouvelle création «bédéesque»!
En conclusion
Cette riche expérience a été pour tous les acteurs plus que concluante. Isabelle avait rarement vu ses élèves si concentrés sur la tâche. Les récréations étaient ignorées, préférant rester en classe pour travailler sur leur projet. Le goût de la lecture des textes et des images a été grandement développé. Le goût de l’écriture aussi. La tablette tactile n’a plus été considérée comme un jouet de luxe, mais bien comme un outil de création précieux. La motivation était évidente car ce projet faisait sens chez ces élèves qui sont, après tout, des natifs numériques.
- Pour consulter tout le projet : http://goo.gl/j70KUa
- Pour voir une capsule vidéo qui résume le projet : http://goo.gl/5mEXNz
- Pour consulter le site Histoire de manga : http://recitdesarts.wix.com/histoiremanga
- Pour en savoir plus sur l’art populaire des mangas, consulter le chapitre 6 de l’ouvrage Culture populaire et enseignement des arts de Monique Richard : http://books.google.ca/books?id=c8hqF6ehwNMC&pg=PA236&lpg=PA236&dq=culture+populaire+et+enseignement+des+arts+moniques+richard(…)
Note: Andrée-Caroline Boucher et André Roux sont tous deux Conseillers pédagogiques aux services nationaux des domaines des langues et des arts.
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