MODELAGE D’INSPIRATON PICASSO
par Michel Lemieux
Michel Lemieux
Biographie
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De Valence à Saint-Agapit, Marc Le Person a su susciter l’intérêt d’élèves de la Rive-Sud de Québec par ses modelages issus de l’univers de Picasso.
Modelage d’inspiration Picasso est un projet que j’ai eu le plaisir de réaliser au printemps 2010 lorsque j’enseignais à l’École secondaire Beaurivage de la Commission scolaire des Navigateurs. Au départ, je cherchais une idée de création en argile à réaliser avec mes élèves de 4e secondaire. C’est en vadrouillant sur Internet à la recherche d’un concept qui saurait m’intéresser que de drôles de modelages ont attiré mon attention, d’abord par leur beauté, mais aussi parce qu’ils me rappelaient étrangement des tableaux de Picasso. Je venais alors de découvrir les œuvres de l’artiste céramiste sculpteur Marc Le Person. C’est à partir de sa série d’inspiration Picasso que j’ai bâti cette activité. Il m’apparaissait très intéressant de présenter à mes élèves à la fois les œuvres d’un artiste contemporain, de Picasso et de quelques grands maîtres de la peinture. Il ne suffisait pas seulement d’être capable de voir et de comprendre une œuvre, mais de s’en imprégner pour en faire l’appréciation et de créer un modelage unique. L’idée n’était pas de faire une copie d’un tableau, mais bien de s’en servir comme source d’inspiration.
Marc Le Person dit, en s’appropriant les paroles de Picasso, que « Modeler d’après le tableau d’un autre permet de disposer de formes sans se préoccuper de leur référence paralysante à la réalité ou à un thème auquel on se soumettrait pour le représenter ou l’illustrer. Le tableau «emprunté» est alors un matériau de travail. »
Picasso et les Maîtres
On invente toujours à partir de quelque chose. Picasso a entretenu toute sa vie une relation particulière avec les maîtres anciens. De la période bleue à la fin de sa vie, on s’aperçoit qu’il y a dans son œuvre des références directes ou indirectes, des pastiches ou des interprétations des tableaux connus. Tous les grands artistes ont pratiqué, à un moment ou l’autre de leur vie, de la reproduction ou ils se sont inspirés de la peinture ancienne. Dans les années 50, Picasso a fait beaucoup de variations des tableaux de Velasquez, Delacroix, Ingres et Manet; il était à la fois innovateur et destructeur. D’ailleurs, Delacroix lui-même pensait à Rubens lorsqu’il peignait. Ce n’était pas un travail de copie, cela aurait été trop simple: il faisait des variations en changeant la relation des formes entre elles, comme pour donner une nouvelle vie aux tableaux anciens. Par exemple, il s’est servi de « Les Ménines » de Diego Vélasquez comme point de départ pour créer ses propres œuvres. Il a aussi fait 27 variations du « Déjeuner sur l’herbe » de Manet.
Marc Le Person
Marc Le Person est né à Valence (France) en 1967. Ingénieur dans l’aéronautique, il s’évade régulièrement dans l’atelier Ricardo PONCE, artiste cubain de la place de la Pierre à Valence. Le Person a su développer un vrai style en modelage avec une rapidité dans l’exécution afin de garder le mouvement, la spontanéité et la force d’expression.
« L’œuvre de Picasso est toujours mon thème d’inspiration principale. Interpréter ses dessins, leur donner du volume, jouer avec les formes et imaginer leurs faces cachées est pour moi un plaisir sans fin. Donner une nouvelle dimension à un objet déconstruit sans aucun égard pour la perspective est un non-sens qui me donne beaucoup de satisfaction ».
« Utiliser les œuvres de Picasso comme matière brute m’a permis de développer un style de modelage, mais je m’attache à sortir de cette zone de confort pour que mes créations deviennent encore plus authentiques et personnelles ».
Proposition de création
À la suite de l’appréciation d’une œuvre de Picasso, j’ai demandé à mes élèves de choisir un élément pictural afin de s’en inspirer pour créer un modelage unique et authentique en argile. Personnages, animaux ou objets pouvaient être prétexte à la création. Le défi était de donner forme dans l’espace à cet élément bidimensionnel. D’autant plus, il fallait parvenir à représenter les volumes dans l’espace sans avoir recours à la perspective traditionnelle. Il ne suffisait pas d’en faire une simple parodie, mais bien d’en présenter une nouvelle compréhension esthétique. Qu’il s’agisse du geste, de la forme, de la texture ou de la couleur, tout devait être considéré.
Phase d’inspiration
Cette première phase de la dynamique de création[1] est une étape cruciale pour permettre aux élèves d’accueillir la proposition de création, ils doivent alors s’engager dans une démarche personnelle. En alternance avec les œuvres de Picasso et des peintres anciens, les céramiques de Marc Le Person ont été présentées aux élèves. Nous avons ensuite échangé autour du travail de ces différents artistes. La discussion fut très intéressante, puisque que les opinions étaient variées et opposées; chacun essayait de convaincre l’autre. Ce fut un moment privilégié pour débattre de nos critères esthétiques. Langage plastique, gestes transformateurs, matériaux, repères culturels, autant de connaissances furent abordées. Des exercices ont également été structurés afin d’aider les élèves à trouver des idées personnelles « porteuses » à partir des pistes qu’offrait la proposition de création.
Par la suite venait le moment de choisir l’œuvre que chacun trouvait inspirante et d’en faire l’analyse. C’est en consultant des livres d’Histoire et des images recueillies sur le Web que les élèves choisissaient l’œuvre qui les conduirait à leur création personnelle.
Phase d’action productive
À partir de leurs premières idées, j’ai demandé aux élèves de faire différentes esquisses. Évidemment, plusieurs d’entre eux ne travaillaient que la vue de face. Comme ils devaient produire un modelage en ronde-bosse, j’ai tenu à ce qu’ils le dessinent sous différents angles. Finalement, plusieurs solutions personnalisées et expressives à la proposition de création ont émergé.
Une fois cette tâche terminée, il était temps de donner forme à leurs projets. C’était agréable de voir l’engouement des élèves pour la terre. Encore une fois, des conseils, des démonstrations et des expérimentations se sont imposés. Bien que l’argile sans cuisson soit un matériau très malléable, certains ont dû modifier leur croquis, car elle ne permettait pas d’effectuer certains détails.
Pour la coloration, ils ont utilisé de l’acrylique. Une fois leur pièce sèche, comme pour imiter une patine, j’ai demandé aux élèves de faire une succession de couche en commençant par le noir. Ensuite, à l’aide d’une éponge, ils ont appliqué du blanc en surface tout en prenant soin de laisser paraître le noir dans les creux. Les couleurs, quant à elles, ont été appliquées méticuleusement au pinceau par-dessus le blanc. Il était aussi possible de vernir les pièces pour ceux qui le désiraient.
Phase de séparation
Cette dernière phase fut un temps de réflexion et de partage très enrichissant. En relevant différents aspects de cette expérience de création, les élèves ont pris conscience des apprentissages qu’ils venaient de réaliser. Même avec une exécution parfois quelque peu maladroite, ils avaient tous la fierté d’avoir relevé le défi que je leur avais proposé. Des œuvres de Marc Le Person à celles des grands maîtres de la peinture, en passant par l’univers de Picasso, ils ont parcouru plusieurs grandes périodes de l’Histoire de l’art. Aussi, j’ai pu constater que leurs commentaires peu élogieux au sujet des œuvres de Picasso avaient positivement changé. Même si Picasso lui-même affirmait avoir mis toute sa vie à savoir dessiner comme un enfant, les remarques telles que « Ma petite sœur pourrait faire mieux ! » ou « On dirait des dessins d’enfants ! » se sont dissipées. Finalement, Modelage d’inspiration Picasso a changé leur approche face à l’œuvre d’art en les amenant à poser sur elle un regard davantage sensible, critique et esthétique.
[1] Voir P. GOSSELIN, G. POTVIN, J.-M. GINGRAS et S. MURPHY, «Une représentation de la dynamique de création pour le renouvellement des pratiques en éducation artistique », Revue des sciences de l’éducation, vol. XXIV, nº 3, 1998, p. 647-666.
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