AUTOPORTRAIT DE PRATICIEN EN ART ET DE FUTUR ENSEIGNANT

par Diane Trémoreux

riopelle
EcoleBranchee_pour_AQESAP
revue-vision-publicite-brault-et-bouthillier
bannière SMQ pour le site de Vision

Diane Trémoreux

Trémoreux

Biographie

Autres publications de cet auteur

    Si je remonte dans ma petite enfance, l’Art a toujours eu une place prépondérante dans ma vie. Je ne suis pas issue d’un milieu artistique, mais j’ai eu la chance de bénéficier très tôt dans mon parcours scolaire d’un enseignement artistique de qualité.


    J’ai effectué mes études en France. Par conséquent, j’ai intégré une école dès l’âge de trois ans. Or cette dernière avait la particularité d’appliquer la pédagogie Freinet : la création, l’autonomie, et la coopération étaient au cœur des apprentissages. L’enseignement des arts et plus particulièrement le dessin libre était valorisé : il assurait une cohérence entre les disciplines plus traditionnelles. Le décloisonnement entre les matières ainsi que la démarche d’apprentissage par un processus d’essais erreurs a durablement influencé mon rapport aux arts ainsi que ma démarche de création.

    Aujourd’hui encore ma démarche artistique se caractérise par un processus de création qui prend la forme d’un tâtonnement expérimental :je travaille beaucoup par répétition. En effet, j’explore souvent un thème, une idée, ou un matériau en jouant avec les paramètres. Généralement, je procède en apportant des micros variations : j’aime exploiter toutes les spécificités des matériaux. C’est pourquoi la série est souvent récurrente dans mes travaux. Pour moi, le contact physique avec la matière est essentiel : c’est en manipulant les matériaux que je vois émerger des réponses à mes questionnements. Par conséquent, je privilégie des techniques qui favorisent ce rapport étroit. Mes moyens d’expression de prédilection sont la peinture et le dessin. Cependant, je peux avoir recours au modelage à l’occasion. Dans ce cas, j’apprécie particulièrement l’argile et le papier mâché. Il m’arrive également de manière plus sporadique d’utiliser la photographie. J’utilise alors le procédé du photogramme pour mener mes recherches. Depuis près de dix ans, ma démarche de création s’articule autour de la question de la matérialité de l’œuvre.

    «Ma démarche trouve son fondement
    dans le rapport que j’entretiens
    avec le paradigme contemporain»

     

    Cette réflexion s’exprime en deux temps. C’est pourquoi on peut distinguer dans ma production deux catégories distinctes d’images. Dans la première catégorie (photo 1 et 2), je m’interroge sur les matériaux eux-mêmes : la couleur, le mouvement ainsi que le format sont mes fils conducteurs. Mes images abstraites ne cherchent pas à représenter ou à exprimer quelque chose : elles sont un prétexte pour faire vivre au spectateur une expérience esthétique qui trouve son fondement non pas dans le sentiment de l’artiste, mais dans celui du spectateur. Cette posture a été théorisée par les artistes de l’Action Painting dont Jackson Pollock incarne la figure de proue (photo 5). Cependant, j’essaye de m’affranchir de leur démarche en déplaçant le champ d’expérience de l’artiste au spectateur. Ma deuxième catégorie d’image (photo 3) est plus figurative. Elle reflète mon intérêt pour l’illustration. C’est un genre que j’affectionne, car il lie écrit et image. En effet, je conteste le rapport entre ces deux notions. Pour moi, l’image n’est pas assujettie au texte. Elle est porteuse de sens et entretient un rapport d’altérité avec ce dernier. Ce modèle de dualité non dualiste on le retrouve dans l’iconographie médiévale (J.BASHET, L’iconographie médiévale, 2008.). Cette influence est présente dans la construction du sens de mon image. Contrairement aux apparences, la lecture n’en est pas aisée. Je ne recours pas à la logique pour représenter une idée. À la manière des artistes du moyen-âge (photo 5), j’utilise un langage symbolique ainsi que l’analogie pour susciter des valeurs imaginatives chez le spectateur. J’utilise les sens de ce dernier pour le faire accéder à une expérience esthétique.

    Ma démarche trouve son fondement dans le rapport que j’entretiens avec le paradigme contemporain. En effet, je ne me reconnais pas dans cet Art en mutation, extradisciplinaire qui joue avec les limites du champ de l’Art. Selon ce paradigme, l’artiste n’est plus un créateur d’objet, mais de concepts. Par conséquent, l’accès aux œuvres ne se fait plus de soi : c’est le discours qui l’entoure qui est porteur de sens. Pour moi, cette conception de l’Art crée une distance entre le spectateur et l’œuvre : elle contribue à véhiculer une image de l’Art actuel fait pour et par des spécialistes. Or de mon point de vue, Art et Vie sont indissociables. Il est donc nécessaire de désacraliser l’Art en lui redonnant une place dans le quotidien et en recherchant un rapport plus authentique à l’œuvre. C’est la finalité que je tente d’atteindre en redonnant une matérialité à l’œuvre et en revendiquant un rapport sensible à cette dernière. 

    Mon engagement dans l’enseignement est relativement récent. Il s’explique par le lien très particulier que j’entretiens avec l’École. Contrairement à beaucoup de mes collègues, je n’ai pas toujours eu une vision positive de celle-ci. Longtemps, j’ai été cette élève qu’on désigne par le doux euphémisme « d’en difficulté ».  Il peut sembler étrange qu’un cancre se transforme en enseignant : ce n’est pas la norme. Je peux pourtant fournir une explication fort simple à ce fait : j’ai appris à aimer l’École. Or ce constat soulève une question qui selon moi est déterminante pour tout enseignant en devenir : comment peut-on faire aimer l’école à un mauvais élève? En effet, c’est dans cette capacité à donner le goût d’apprendre à des élèves hors normes qu’on reconnait un bon enseignant. La réponse est simple :  c’est en croyant en l’élève, en lui redonnant confiance en ses capacités qu’on peut espérer l’extirper de sa condition d’élève médiocre.

    Si mon parcours est atypique, il me permet cependant de poser un regard différent sur la profession et les élèves. J’ai gardé une facilité à pouvoir me mettre à la place de ces élèves différents. Lors de mon stage deux j’ai enseigné dans une classe langage à des élèves dysphasiques. J’ai pu constater à cette occasion que j’étais capable d’anticiper leurs difficultés : je sais partir de leurs forces pour les aider à surmonter leurs faiblesses. Je n’abaisse jamais mon niveau d’exigence. Je n’ignore pas que cette attitude loin d’aider les élèves contribue à les enfermer dans l’échec. C’est pourquoi je fonde ma pratique pédagogique sur la maitrise en profondeur de ma matière. Cette volonté d’expertise s’est incarnée chez moi dans mon cheminement académique. Après un baccalauréat spécialisé en littérature, j’ai complété tour à tour une licence d’arts plastiques puis d’histoire de l’art. J’ai souhaité ensuite poursuivre ce parcours en effectuant une maitrise en muséologie. En tant qu’enseignant d’Art il me semble indispensable de ne pas négliger les fondements théoriques de notre discipline. En effet, on ne peut comprendre l’art actuel que si on a acquis de solides connaissances en esthétique et en histoire de l’art. À ce titre, l’enseignant d’art occupe un rôle déterminant. C’est un passeur de culture. En familiarisant les élèves avec les concepts sous-jacents dans la création artistique, il redonne du sens aux œuvres. Enseigner les arts ne se limite pas à transmettre un savoir-faire. C’est également apprendre un savoir-être. En effet, à travers la compétence apprécier, l’élève apprend à élaborer sa pensée en se confrontant aux autres dans une approche discursive.  Peu à peu, il remet en cause ses modèles et ses valeurs, ce qui lui permet de s’ouvrir à la différence et de mieux s’adapter à monde en mutation. De plus, en développant la compétence apprécier chez les élèves, on les encourage à poser un regard critique sur leur environnement et sur les images qui les entourent. Cette capacité est devenue indispensable aujourd’hui : dans une société où les médias sont omniprésents, nous devons apprendre aux jeunes à développer une attitude critique vis-à-vis de ces derniers et de leur usage.

    C’est pourquoi, pour mon futur rôle d’enseignante d’art, je souhaite me perfectionner dans la dimension médiatique de notre profession. En effet, les nouvelles technologies permettent de rendre plus interactif le rapport aux œuvres. De plus, il me semble essentiel de former les jeunes à un usage plus éthique de ces nouvelles technologies. En conséquence, je souhaite développer mes compétences dans des logiciels tels que Photoshop ou encore en montage vidéo afin de mieux les intégrer dans mon enseignement et d’outiller les élèves.


    photo 1


    photo 2


    photo 3


    Photo 4
    Jackson Pollock (1912-1956) , Number 3, 1951, ink on Japanese paper

     

    Laisser un commentaire

    Les champs suivis du symbole * sont obligatoires.




    AQESAP bandeau publicitaire Revuevision.ca
    revue-vision-publicite-brault-et-bouthillier
    riopelle
    bannière SMQ pour le site de Vision
    revue-vision-publicite-aqesap

    UNE VISION DE L’ART+

    UNE VILLE EN PAPIER À L’ÈRE NUMÉRIQUE

    Cathy Jolicoeur et Marie-France Bégis

    UNE VISION D'ENSEIGNEMENT

    PORTRAITS HOLOGRAPHIQUES COMME EXUTOIRE

    Véronique Perron et Ethel Laurendeau

    UNE VISION DE COLLABORATION

    UNE VILLE EN PAPIER À L’ÈRE NUMÉRIQUE

    Cathy Jolicoeur et Marie-France Bégis

    UNE VISION QUI SE QUESTIONNE