ENTREVUE AVEC FRANCINE GAGNON-BOURGET

Deuxième partie

par Christine Faucher

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Christine Faucher

UQAM

Biographie

Professeure à l'École des arts visuels et médiatiques de l'UQAM. Équipe rédactionnelle: revue Vision

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L.S. : On peut penser qu’à partir des années 1960 et 1970, il y a eu beaucoup de changements qui sont survenus dans le contexte de l’art et de l’enseignement des arts au Québec. Selon toi, quels sont les changements qui ont marqué l’évolution de l’enseignement des arts?

F.G-B. : D’abord, dans la foulée du rapport Parent, le rapport Rioux a donné un nouveau statut à l’éducation artistique. Dans ce document, l’art est présenté comme un mode de connaissance et comme une composante de la formation de base des jeunes. L’éducation artistique, incluant les quatre disciplines artistiques, est considérée comme étant obligatoire du préscolaire jusqu’à la fin du secondaire. De plus, le rapport recommande que l’enseignement des arts soit confié à des spécialistes. Pour le grand public, ce rapport est passé inaperçu, mais dans le milieu de l’enseignement des arts, il a eu une grande importance.

En second lieu, les programmes d’arts plastiques, des années 1980, au primaire et au secondaire, en plus de reprendre des éléments du rapport Rioux, ont beaucoup fait avancer la qualité de l’enseignement des arts en y mettant de la profondeur et du contenu. Néanmoins, l’arrivée de nouveaux programmes ne garantit pas leur mise en application dans le milieu scolaire. Si le « faire » était bien accepté par les enseignants d’arts plastiques, le « voir », quant à lui, en déstabilisait plusieurs qui n’en comprenaient pas l’importance ou qui ne savaient pas comment l’intégrer. Il faut du temps pour changer les mentalités et transformer les pratiques en apprivoisant de nouvelles approches. Mais il faut aussi de la formation pour accompagner les enseignants dans cette démarche. Voilà pourquoi Monique et moi avons fait de nombreuses formations au primaire et au secondaire dans différentes commissions scolaires, et ce, à travers le Québec.

Un autre changement important demeure le Programme de formation de l’école québécoise qui, contrairement aux programmes précédents, place l’élève au centre de sa formation et vise à développer sa vision du monde. Pour l’ensemble des disciplines, le programme de formation propose des visées communes et une approche par compétences. C’est une première. Dans ce contexte, chacune des disciplines s’inscrit dans une structure plus large qui doit amener l’élève à réfléchir à des questions universelles par le biais des domaines généraux de formation et à développer des compétences transversales, essentielles à un fonctionnement efficace en classe et dans la vie de tous les jours. De plus, le domaine des arts acquiert un statut équivalent à celui des autres domaines d’apprentissage et la place accordée à la démarche de création devient un outil privilégié susceptible de rendre l’élève conscient de ses apprentissages. Il faut encore souligner la présence des arts à la certification au secondaire, même si la formation obligatoire du deuxième cycle ne comporte que 50 heures d’enseignement par année.

L’intégration de la dimension culturelle[1] représente, à mon avis, l’élément le plus significatif du renouveau amorcé en 1998. Dans ce document, on reconnaît enfin l’importance de la culture des jeunes qui devient un levier pédagogique. Cette orientation n’est pas évidente. Elle exige des enseignants qu’ils se penchent sur les intérêts de l’élève, sur ce qu’il pense, sur ce qu’il apprécie, sur ce qui le motive, sur ce qui le passionne.

Néanmoins, pour être en mesure de mettre en application le programme de formation et d’intégrer la dimension culturelle dans leur planification, les enseignants ont besoin d’énergie et de temps. Quand je vois l’ampleur de la tâche des enseignants spécialisés en arts plastiques au primaire qui travaillent dans plus d’une école, qui ont plus de 600 élèves, qui ont des périodes de 50 minutes ou moins, je me demande comment ils peuvent réussir à vivre un bien-être professionnel essentiel à une longue carrière. De plus, les généralistes ou ceux qui enseignent le français, la mathématique ou l’anglais n’ont pas à défendre la présence de leur matière dans la formation des jeunes. En arts plastiques, les enseignants spécialisés doivent revendiquer la présence de leur discipline dans l’école qui dépend, entre autres, de leur performance, de leur visibilité, de la signifiance des projets. Et même si tous ces éléments sont présents, cela ne veut pas dire que la place des arts est assurée. De plus, comme la formation continue n’est pas valorisée, il faut vraiment être un peu fou pour s’engager dans des études supérieures alors qu’on enseigne à temps plein. J’admire les étudiantes que je dirige à la maîtrise qui, malgré la lourde tâche d’enseignement, suivent des cours en soirée et s’engagent, pour plusieurs années, dans une démarche de développement professionnel.

L.S. : Est-ce que tu as eu l’occasion d’en parler au cours de ta carrière?

F.G-B. : Je parle de l’importance du développement professionnel dans mes cours de didactique. Je dis à mes étudiants que l’obtention du baccalauréat en enseignement des arts visuels et médiatiques n’est pas la fin de leur formation, mais le début d’un long parcours durant lequel ils auront à s’engager professionnellement. Cependant, une fois dans le milieu scolaire, la réalité scolaire risque de les rattraper puisqu’ils se retrouveront, la plupart du temps, seuls et démunis. Il faudrait que les commissions scolaires s’assurent que les nouveaux enseignants soient accompagnés par un mentor pour favoriser leur insertion professionnelle. Il faudrait aussi que la formation continue soit accessible afin de permettre le renouvellement des pratiques.

L.S. : Si on revient dans le passé, est-ce qu’il y a des événements particuliers qui t’ont marquée et qui marquent, par le fait même, l’évolution de l’enseignement des arts au Québec?

F.G-B. : En plus des éléments mentionnés précédemment, la première chose qui me vient à l’esprit ce sont les performances réalisées lors des congrès de l’AQÉSAP par Michèle Théorêt, Nicole Sorel et le groupe formé de Michèle Moureau, Danielle Perras, Georges Baier, Jean-Eudes Fallu et peut-être d’autres personnes que j’oublie. D’une façon différente, mais tout aussi originale, Marie-Claude Vezeau a repris la tradition, dans les années 2000, en créant des événements festifs qui regroupaient tous les congressistes. Un peu de folie créatrice libère du quotidien! L’AQÉSAP a toujours eu à cœur de favoriser la création chez ses membres par des ateliers et des expositions qui leur permettent de renouer avec la création afin de nourrir leur pratique enseignante.

De plus, l’AQÉSAP a beaucoup fait pour assurer la reconnaissance de l’enseignement des arts visuels et médiatiques et de l’éducation artistique au Québec. Je pense, entre autres, au mémoire Retour vers l’avenir, aux congrès 4 arts initiés sous la présidence de François Monière et aux représentations que l’association a faites auprès du ministère. Quand je vois le nombre de membres faisant partie de l’association, je ne peux qu’être déçue compte tenu du travail accompli.

L.S. : Est-ce que tu as eu l’occasion de rencontrer des enseignants spécialisés en arts ailleurs qu’au Québec? Si oui, qu’est-ce que tu en retiens?

F.G-B. : J’ai présenté une communication, à deux reprises, lors des Journées sur l’éducation artistique à Sèvres. La première fois, j’étais accompagnée de Pierre Gosselin et, la seconde fois, de Michèle Moureau. Nous avons côtoyé des enseignants en arts visuels de la France, bien sûr, mais aussi de la Belgique, de la Hollande, de l’Italie, de la Roumanie, de la Pologne et de la Finlande. Ces journées se déroulaient dans l’ancienne manufacture de porcelaine que Madame de Pompadour avait fait construire. Dans le jardin, il y avait un petit pavillon à la mémoire de Lully. Les sujets des communications étaient diversifiés et les échanges étaient stimulants. J’ai même accueilli, à la maison, une collègue de Belgique avec son mari lors de leur première visite au Québec.

J’ai aussi présenté une communication en Écosse, à Glasgow, dans la magnifique école d’art créée par Charles Rennie MacIntosh lors d’un congrès européen de l’InSEA. J’étais avec d’autres, collègues du Québec, soit Luc Paquette, Judy Freedman et Nicole Lupien qui participaient aussi à cet événement. Monique Brière était présente, mais elle ne participait pas au congrès. Elle avait organisé un voyage de trois semaines en Écosse qui se terminait dans les Orcades. Nous étions quatre Monique, Judy Freedman, mon mari et moi. Au début du voyage, Luc Paquette et sa femme s’étaient joints au groupe pour quelques jours. Nous avons fait aussi deux autres voyages avec Monique, soit à Malte et en Italie. Ce furent des voyages inoubliables. Monique avait aussi planifié plusieurs des voyages que j’ai faits avec mon mari, même si elle ne nous accompagnait pas. Paul et moi étions certains de n’avoir rien manqué au niveau patrimonial, architectural et historique.

J’ai aussi fait des communications lors des congrès de la Société canadienne d’éducation par l’art à Fredericton, à Calgary et à Montréal. Alors que j’étais secrétaire générale pour cette association, sous la présidence de Judy Freedman, j’ai eu la chance de rencontrer de nombreux professeurs de différentes universités à travers le Canada.

C.F. : Francine, tu parlais de la formation continue des enseignants en relevant une carence sur ce plan. Je ferais un lien avec l’implantation de la réforme en éducation. D’après toi : les réussites et les défis, où se situent-ils?

F.G-B. : Depuis le rapport Parent, le Québec vit sa deuxième réforme de l’éducation. Tout changement suscite des réactions. Par exemple, le fait de placer l’élève au cœur de ses apprentissages peut susciter de l’inquiétude auprès d’enseignants qui ont peur de perdre le contrôle de leurs élèves et, par le fait même, des connaissances à faire acquérir. Nérée Bujold avait identifié cinq phases distinctes issues d’un changement : la négation, la révolte, la déprime, la négociation, la résignation et le réengagement. Où en sommes-nous actuellement? Quand certains détracteurs parlent du programme de formation, ils s’attardent souvent à ce qui est superficiel. Ils s’attaquent d’abord à la notion de compétence en se référant, la plupart du temps, à une définition ancienne alors qu’elle a beaucoup évolué au fil du temps à partir des recherches d’auteurs significatifs. Cette conception les amène à dire que le développement d’une compétence se réalise au détriment de l’acquisition de connaissances, alors que ce n’est pas le cas puisqu’un élève qui s’investit dans un projet, doit mobiliser différents types de connaissances.

Pour bien comprendre la nature et le rôle des connaissances, une relecture de l’ouvrage de Jacques Tardif, Pour un enseignement stratégique (1992) fait un bilan de leur apport dans les apprentissages. Par exemple, il identifie les connaissances générales pouvant être associées aux compétences transversales et les compétences spécifiques qui relèvent de la discipline. De plus, il décrit l’apport des connaissances déclaratives, procédurales et conditionnelles. Ce que l’élève mobilise de façon authentique et autonome, il ne l’oubliera pas. Les programmes d’avant la réforme, basés sur des objectifs, mettaient l’accent sur l’atteinte d’objectifs intermédiaires qui visaient l’acquisition de connaissances souvent décontextualisées. Dans cette approche, l’élève était invité à les mémoriser en vue d’un test ou d’un examen. Dans cette forme d’enseignement, les connaissances demeuraient, la plupart du temps, inertes. Voilà pourquoi, elles s’ancraient difficilement et passaient le plus souvent dans l’oubli.

De plus, pour avoir participé comme animatrice à des journées nationales de formation pour le MELS portant sur divers sujets touchant le renouveau pédagogique et le programme de formation, je me suis aperçue que l’interprétation des notions abordées peut différer d’un participant à l’autre. Lorsque ces personnes retournent dans leur commission scolaire pour faire de la formation dans leur milieu, ils véhiculent des choses qui ne sont pas toujours exactes. J’ai une amie qui enseigne les arts plastiques au primaire et qui s’est fait dire que son approche n’était pas dans l’esprit de la réforme parce qu’elle ne proposait pas plusieurs matériaux à ses élèves pour un projet donné. Dans le domaine des arts ou le programme d’arts plastiques, nulle part il n’est écrit qu’il faille adopter cette approche. Si l’enseignant propose, à l’élève, différents matériaux, ce dernier risque de choisir ceux avec lesquels il est le plus à l’aise. Quels apprentissages va-t-il faire alors? Quels sont les défis qu’il aura à relever? C’est un exemple parmi tant d’autres qui montre que les concepts qui sous-tendent le programme de formation et, par conséquent, celui en arts plastiques ne sont pas toujours bien compris. Peut-être ne lit-on pas suffisamment? Pas seulement le programme, mais des ouvrages qui traitent en profondeur des concepts mis de l’avant dans ce dernier. Le ministère propose des références bibliographiques. Sont-elles lues et prises en considération?

La compréhension des fondements du programme de formation représente un défi pour tous les enseignants incluant ceux en arts visuels et médiatiques qui doivent continuer de s’interroger et de réfléchir pour mieux se l’approprier et le mettre en application. Néanmoins, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut le faire progressivement et se dire qu’on le fait pour l’élève afin de l’accompagner de façon différenciée dans le respect de son individualité.

Un autre défi se situe au niveau du lâcher-prise de l’enseignant face au contenu. Il doit plutôt amener l’élève à réfléchir sur son cheminement dans la création et à prendre conscience de ses apprentissages. Certains enseignants en arts plastiques, compte tenu du temps d’enseignement dévolu à leur discipline, pensent qu’il vaut mieux privilégier les activités de création. Pourtant, ce n’est pas le nombre de projets vécus qui importe, mais plutôt la qualité de l’engagement de l’élève susceptible de favoriser l’ancrage et le transfert des apprentissages dans d’autres contextes. Pour ce faire, la démarche de création représente un outil pédagogique incontournable.

L.S. : Il semble y avoir de bons côtés et de moins bons côtés à l’implantation de la réforme ou du renouveau pédagogique. L’information ne semble pas circuler de façon juste pour tout le monde.

F.G-B. : Tout changement provoque de la résistance, des remises en question et demande une ouverture sur ce qui est nouveau ou déstabilisant. Les enseignants en arts visuels et médiatiques doivent se pencher sur l’importance de renouveler leurs approches et de revoir les contenus enseignés. Ils ne doivent pas se fier aux rumeurs et aux opinions que l’on retrouve dans les médias. Ils doivent s’informer, lire des ouvrages, voir des expositions, participer à des forums de discussion comme celui du Récit national, assister aux journées de formation offertes par l’école ou la commission scolaire et participer aux congrès de l’AQÉSAP.

C.F. : Comment envisages-tu tes projets d’avenir?

F.G-B. : Je ne pense pas trop à l’avenir! Je pense à court terme, contrairement à autrefois. Dès l’École normale, je savais que je ne pouvais pas me contenter d’un simple Brevet B. J’avais des rêves, des aspirations. J’avais le goût d’évoluer, de progresser et de me dépasser. C’est la même chose quand je me suis mariée. Paul et moi avions des projets de voyages, de restauration de notre propriété et d’amitiés à entretenir. Quand les enfants sont arrivés, je voyais à long terme aussi. J’entrevoyais leur donner une éducation qui leur permette de développer leurs valeurs, de faire des choix personnels et de s’accomplir dans leur vie professionnelle. Je pense qu’Amélie et Antoine ont réussi à trouver leur voie.

Aujourd’hui, j’approche de la retraite ou, mieux, la retraite me rattrape. Quand je serai à cette étape de ma vie professionnelle, j’envisage de lire enfin les ouvrages que j’ai dû délaisser. J’ai des livres à lire et à relire pour mon plaisir. Pas des romans, mais des livres qui touchent à la philosophie, à la culture, à l’éducation. Je veux regarder de vieux films de répertoire, ceux qui ne passent jamais à la télé. Je veux aussi prendre le temps d’aller à des vernissages et de voir des expositions. Je veux enfin participer aux activités de l’Association amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec que j’ai délaissées depuis le décès de Paul.

C.F. : Rien au niveau professionnel devant toi?

F.G-B. : Professionnellement, je ne sais pas encore. J’aurai besoin d’un temps d’arrêt pour réfléchir et faire des choix pertinents.

C.F. : Quels types d’activités fais-tu pour te ressourcer comme professeur d’arts?

F.G-B. : J’essaie d’être à l’affût de tout ce qui touche l’enseignement des arts et l’éducation artistique au Québec. Je lis avec attention la revue de presse sur l’éducation artistique que me fait parvenir l’équipe de Georges Bouchard du MELS qui transmet tout ce qui vient de paraître dans les médias écrits et autres.

J’aime beaucoup naviguer sur Internet à la recherche d’œuvres d’art, d’objets et de repères culturels, d’images médiatiques, de sites d’artistes et de vidéos susceptibles d’être exploités dans mes cours. Lorsque j’assiste aux présentations publiques des étudiants finissants en enseignement des arts visuels et médiatiques, j’apporte un carnet où je note certaines informations comme le nom de chacun des étudiants, le nom de l’école et de l’enseignant formateur, mais aussi les productions artistiques appréciées et les artistes invités afin de m’assurer que je ne suis pas déconnectée des intérêts des étudiants. Cela me permet de garder des traces des diplômés, mais aussi d’acquérir de nouvelles connaissances. Par exemple, si je ne connais pas l’artiste, je fais des recherches pour, éventuellement, l’intégrer dans les activités que je propose aux étudiants dans mon cours de didactique, dans mon recueil de textes et dans mes présentations visuelles.

Mais je me ressource aussi au contact de la nature qui répond aux 98 % de mes intérêts alors que j’étais au secondaire. Chez moi, à la campagne, c’est un havre de paix. Je fais l’entretien de la propriété, ce qui me tient physiquement en forme. En plus de la flore, il y a une faune des plus intéressantes. J’observe les différentes espèces d’oiseaux qui viennent aux mangeoires ou qui sont attirés par les arbres et les fleurs plantés au fil des ans. L’étang attire aussi la tortue peinte, la tortue serpentine et, malheureusement, le rat musqué qui a troué la toile et le héron qui pêche les poissons. Mais quel plaisir de voir passer le renard ou le lièvre, de nourrir les tamias rayés et de profiter de ce calme et de cette plénitude. La cigale vient de chanter. Je me retrouve, pour quelques instants, en Provence, chez les Arnaud, avec un petit vague à l’âme.

L.S. : Francine, quelles recommandations ferais-tu aux nouveaux enseignants spécialisés en arts visuels et médiatiques?

F.G-B. : Les enseignants en arts visuels et médiatiques sont voués à l’excellence, comme je l’ai mentionné précédemment. Contrairement aux enseignants d’autres matières, ils doivent être plus performants, faire preuve de plus d’engagement et de rigueur. Ils doivent s’adapter aux différents groupes d’élèves avec lesquels la manipulation de nombreux matériaux est incontournable et exigeante. Ils doivent aussi avoir le goût du travail bien fait et répondre à plusieurs demandes de l’école ou de collègues qui ne sont pas toujours réalistes et qui grugent beaucoup d’énergie. Dans ce contexte, ils doivent aussi survivre et y trouver leur compte. L’année dernière, lors de la journée pédagogique organisée par le Comité des programmes de formation à l’enseignement (CPFE) de l’UQAM, j’ai été touchée par une communication qui décrivait l’importance du bien-être professionnel chez les enseignants afin de leur permettre de poursuivre leur carrière jusqu’au bout dans la plénitude et l’harmonie.

Le premier conseil concerne justement le bien-être professionnel et la capacité de se ressourcer dans et hors de la discipline. Je crois au développement d’une culture éclectique qui permet de faire des liens avec toutes les matières, de créer des ponts à partir de divers sujets, de s’interroger sur la société et sur ce qui se passe dans le monde.

Le deuxième conseil touche à la gestion des contenus afin de s’assurer de l’engagement des élèves. Pour susciter leur motivation, il faut partir, non des savoirs essentiels ou du contenu de formation des programmes, mais de tout ce qui façonne la culture des jeunes pour, éventuellement, leur ouvrir les portes de la culture générale et artistique. Il faut être à l’affût de ce que certains élèves demandent. Voici un exemple qui s’est déroulé au primaire. Un jour, un des élèves de Marie-Claude Vezeau lui demande de faire un projet sur l’Égypte. Elle lui répond que c’est une très bonne idée et elle lui demande si elle peut proposer le projet aux autres élèves de la classe. Elle saisit cette opportunité et, finalement, c’est toute l’école qui a travaillé sur l’Égypte à partir d’activités différentes pour chacun des cycles.

Le troisième conseil a trait à l’importance de la prise de risques dans la planification des projets artistiques proposés aux élèves. Les enseignants en arts visuels et médiatiques doivent exercer leur créativité pédagogique et sortir des sentiers connus. Cela ne veut pas dire de ne jamais répéter des activités gagnantes, mais d’en prévoir une ou deux nouvelles par année; afin de se déstabiliser, de remettre en question ses certitudes et de s’engager dans l’inconnu. Pour ce faire, il faut aménager des périodes de réflexion, faire des recherches et porter une attention particulière à ce qui se passe socialement et politiquement, Je pense ici à l’approche de Luc Gauthier, un enseignant au secondaire et un médaillé de l’AQÉSAP. Si j’ai bien compris son approche, l’été représentait un moment privilégié qui lui permettait de se ressourcer et d’être ouvert à l’émergence de projets particuliers et signifiants pour ses élèves.

Références 

Brière, M. et Lemerise, S. (2009). Une carrière exemplaire en enseignement des arts plastiques : Monique Brière raconte. Saint-Donat-de-Montcalm : Publications AQÉSAP.

Eisner, E. (1973). Examining Some Myths in Art Education. Studies in Art Education, 15(3), 7-16.

Gagnon-Bourget, F. (2000). Matérialité, processus créateur et enseignement. Dans F.

Gagnon-Bourget et F. Joyal (dir.). L’enseignement des arts plastiques : recherches, théories et pratiques. Société canadienne d’éducation par l’art, 41-52.

Gagnon-Bourget, F. (1990). L’imagination matérielle du philosophe Gaston Bachelard pose un

Regard neuf sur l’enseignement des arts plastiques (thèse de doctorat). Université Concordia, Canada.

Ministère de l’Éducation (MEQ), Gouvernement du Québec. (1982). Guide pédagogique. Arts plastiques : Secondaire.

Ministère de l’Éducation (MEQ), Gouvernement du Québec. (1983). Guide pédagogique. Arts plastiques : Primaire premier cycle.

Ministère de l’Éducation (MEQ), Gouvernement du Québec. (2001). Programme de Formation de l’école québécoise : Enseignement primaire et préscolaire.

Ministère de l’Éducation (MEQ), Gouvernement du Québec. (2003). Intégration de la dimension culturelle à l’école.

Ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport (MELS), Gouvernement du Québec. (2006). Programme de Formation de l’école québécoise : Enseignement secondaire, premier cycle.

Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), Gouvernement du Québec. (2007). Programme de Formation de l’école québécoise : Enseignement secondaire, deuxième cycle.

Tardif, J. (1992). Pour un enseignement stratégique : L’apport de la psychologie cognitive. Montréal : Éditions logiques.

[1]  Voir dans les références le document : Intégration de la dimension culturelle à l’école.

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